Le chef d’État bolivien, Luis Arce, a rejeté le jeudi 27 juin toute accusation de conspiration avec l’ancien chef militaire, qui a été arrêté pour avoir présumément orchestré une tentative de coup d’État mercredi, après l’envoi de véhicules blindés devant le palais présidentiel à La Paz.
Quatorze civils se sont opposés à ce coup d’État, parmi lesquels des membres de la police militaire ont participé, et ont été blessés par des tirs, selon les fonctionnaires en charge. Certains d’entre eux ont dû être admis à l’hôpital et « subir une chirurgie », a déclaré M. Arce aux médias.
Le général Juan José Zuñiga, qui a été arrêté le même jour après avoir finalement retiré ses troupes, a insisté sur le fait qu’il avait agi sur les ordres du président, qui aurait voulu « monter une mise en scène pour augmenter sa popularité », dans un climat de crise économique sévère.
« Comment est-il possible de donner des ordres ou de planifier un auto-coup d’État ? […] Il a agi de sa propre initiative » a rétorqué jeudi M. Arce. « Malheureusement pour lui, et comme on a pu le voir, je ne suis pas un homme politique qui va augmenter sa popularité avec le sang du peuple. »
Dès mercredi, Luis Arce a réalisé l’assermentation d’un nouveau commandement militaire. En plus du général et du chef de la marine, Juan Arnez Salvador, quinze autres personnes ont été arrêtées. Les deux responsables militaires sont accusés de « soulèvement armé et terrorisme » et risquent jusqu’à vingt ans de prison.
Des motifs incertains
La crise institutionnelle n’a duré que quelques heures, mais elle a suffi pour montrer la vulnérabilité du pays alors que les ambitions se font de plus en plus pressantes en prévision des élections présidentielles de 2025.
Le leader militaire, Juan José Zuñiga, qui avait positionné des forces armées et des véhicules blindés près du Parlement et du palais présidentiel sur la place Murillo, a des intentions floues. Avant d’être mis en garde par la police, il avait prétendu vouloir « redéfinir la démocratie pour en faire une véritable démocratie […] pas celle d’une minorité, pas celle de quelques dirigeants qui ont contrôlé le pays pendant trois à quatre décennies ».
Eduardo del Castillo, le Ministre de l’Intérieur, a critiqué « deux soldats coupables qui avaient l’intention de renverser la démocratie ». Jeudi, il a présenté devant les journalistes quinze autres suspects arrêtés, enchaînés et encerclés de policiers. « Ils planifient cela depuis le mois de mai », a-t-il déclaré, tout en révélant que trois autres individus faisaient l’objet d’une enquête. Les Nations Unies ont exigé « une enquête détaillée et neutre sur les accusations de violence ».
Mercredi, le bureau du président a partagé des images montrant un véhicule blindé perçant la porte du palais présidentiel, et le général entrant dans les locaux, pendant que ses soldats lançaient des gaz lacrymogènes. Les images montraient aussi le président de gauche faisant face au général et le réprimandant : « Je suis ton supérieur […] Renvoie toute la police militaire dans leurs lieux de résidence […] Évacue toutes ces forces immédiatement. C’est un ordre, général. »
La réaction au comportement du général Zuñiga a été sévèrement condamnée à l’échelle internationale. La Russie, où M. Arce avait rencontré le président Vladimir Poutine en juin comme une partie de l’événement économique de Saint-Pétersbourg, a exprimé sa « solidarité envers la Bolivie, un pays frère et un partenaire fiable et stratégique », tout en dénonçant toute « intrusion » étrangère.
Luiz Inacio Lula da Silva, le président brésilien, a confirmé jeudi qu’il ferait un voyage en Bolivie le 9 juillet pour soutenir Luis Arce, son «ami», et la démocratie. Lors d’une interview à la radio Itatiaia, il a souligné l’importance de se rappeler que des actes comme un coup d’État peuvent être causés par des intérêts spécifiques, citant comme exemple l’intérêt international que la Bolivie génère en raison de ses réserves de lithium et de gaz.
Plusieurs pays, dont les États-Unis, la France, l’Espagne et un grand nombre de pays sud-américains, ont également dénoncé l’acte de coup d’État. En Bolivie, la situation est fragile en raison de la baisse de sa production de gaz, qui est sa principale source de devises jusqu’en 2023, et de la hausse des prix. La pénurie de dollars a suscité la colère des commerçants et une carence en carburants.
Il y a aussi une tension entre M. Arce et son mentor politique, l’ex-président Evo Morales (2006-2019). Les deux souhaitent représenter le parti au pouvoir, le Mouvement vers le socialisme (MAS), lors des élections présidentielles de 2025. Avant d’effectuer le coup de force, le général Zuñiga avait exprimé son opposition farouche à un éventuel retour de M. Morales au pouvoir, qui jouit d’un large soutien dans tout le pays, mais qui, selon une décision de la Cour constitutionnelle, n’a pas le droit de se présenter à l’élection.
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