L’objectif des attaques jihadistes n’est pas de vaincre ou de dominer les sociétés occidentales par la terreur. Leur but est de se servir de la peur pour leur imposer une vision du monde divisée et de susciter un conflit généralisé à l’intérieur de ces sociétés. En d’autres termes, ils visent à provoquer une guerre civile entre non-musulmans et musulmans afin d’attirer ces derniers vers l’extrémisme. On ne doit jamais négliger cet aspect dans l’analyse des effets du terrorisme jihadiste. Même si cette question n’est plus la première préoccupation des électeurs français, on ne peut ignorer les conséquences à long terme des attaques terroristes que la France a subies ces dix dernières années.
Aucun pays occidental n’a été autant affecté par la violence jihadiste au cours de la dernière décennie que la France. En effet, cette dernière possède la plus grande communauté d’origine arabe et musulmane d’Europe, ainsi que la plus grande communauté juive. Les organisations jihadistes telles qu’Al-Qaïda ou l’État islamique ont fait de la France leur cible de prédilection.
Plusieurs facteurs expliquent cet intérêt des groupes jihadistes pour la France. Le premier serait la laïcité à la française qui a mené à l’interdiction du voile islamique à l’école en 2004 et celle du niqab dans l’espace public en 2009. Cette laïcité, participe également à la diffusion des caricatures de Mohammed, considérées comme des indicateurs du niveau de tolérance de la société française. En fin de compte, cette laïcité s’est durcie au point de devenir un combat idéologique, qui risque de créer plus de divisions que d’unions.
La France a été la cible d’attaques en raison de son passé colonial, principalement au Maghreb et en Afrique. Son statut d’ancienne puissance coloniale a entraîné son implication militaire au Sahel, au Levant et en Afghanistan, qui sont majoritairement musulmans. La souvenance indélébile des horreurs de la guerre d’Algérie, couplée à l’exclusion sociale des immigrants résidant dans les banlieues défavorisées et le ressentiment persistant des rapatriés de 1962, dont beaucoup sont des juifs orientaux forcés à quitter leurs terres ancestrales, a créé des divisions que les groupes terroristes ont su exploités.
Cette stratégie de recrutement a été efficace. La série d’attentats djihadistes qui a heurté la France a commencé avec les agressions de Mohammed Merah en 2012 et a culminé entre 2015 et 2018. Elle continue aujourd’hui avec des attaques individuelles mais sensationnelles, comme les assassinats des enseignants Samuel Paty en 2020 et Dominique Bernard en 2023. Bien que la France et les Français n’aient pas cédé à la panique ni à la vengeance, il existe une tension croissante envers l’Islam. Les nombreuses attaques, majoritairement influencées par le djihadisme et ayant fait plus de 260 victimes depuis 2012, ont contribué à stigmatiser l’Islam et les musulmans, et ce notamment par l’extrême droite, la droite conservatrice, mais aussi une partie du centre et de la gauche autoproclamée laïque.
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