Edouard Retamar est toujours enthousiaste à l’idée de partager les images du futur comptoir qu’il a déniché à Lille, qui représente pour lui un nouveau chapitre de vie. « Ça m’a demandé un an pour dénicher le parfait meuble qui transformera mon magasin tout en conservant son esprit original ! », partage l’homme d’affaires dans le local qu’il utilise temporairement depuis l’automne 2023, en attendant la rénovation complète de son ancienne boutique. « Il y a des hauts et des bas, mais on continue à progresser. J’espère que les travaux débuteront sous peu », confie-t-il. Le Monde l’avait rencontré un an plus tôt, encore sous le choc : Alexander’s, sa boutique élégante de prêt-à-porter, avait été incendiée, prise dans l’émeute dévastatrice de deux cents émeutiers à Montargis, une petite sous-préfecture de Loiret.
La nuit fatidique du 29 au 30 juin 2023, deux jours après le décès de Nahel, tué par un officier de police, près d’une centaine de commerces ont été vandalisés. L’incendie a détruit l’immeuble abritant la pharmacie de la rue Dorée, laissant un grand vide, partiellement comblé par les poutres de soutènement de l’immeuble adjacent.
« C’est devenu un site de pèlerinage, lorsque les gens se promènent en ville », partage une commerçante. « On était là quand la pharmacie s’est écroulée, c’était un coup au cœur », se remémore un couple, horrifié. « C’était un choc », révèle un homme d’une cinquantaine d’années. « J’ai pensé ‘c’est scandaleux que des jeunes d’ici aient pu faire ça’ », souligne une étudiante. « Depuis, la ville a un peu perdu de son dynamisme », estime un électricien de 60 ans.
«Il est temps de tourner la page».
Le maire de la ville, Benoît Digeon du parti Les Républicains (LR), a remarqué un déclin significatif de la fréquentation de la ville, qu’il attribue à la fois aux émeutes et aux coûts élevés du carburant. Il explique que leur marché cible comprend les 135 000 résidents de Gâtinais. Auparavant, ils visitaient la ville trois fois par semaine, mais maintenant, ils ne viennent qu’une fois toutes les dix jours. Digeon a réussi à inclure au dernier moment dans le projet de revitalisation du centre-ville le remplacement de la pharmacie par un bâtiment commercial et résidentiel pour les employés des usines voisines, Hutchinson et ICT.
Il y a un an, le mantra local était de « rebondir rapidement ». La majorité des magasins avaient donc rouvert moins d’une semaine après les incidents. Pendant la période de Noël, un visiteur occasionnel ne remarquerait que peu les traces de vandalisme. Cependant, les habitants de Montargis n’ont pas oublié ces évènements, même s’ils souhaitent « tourner la page ».
Les prétendants aux élections législatives ont bel et bien saisi le fait que l’événement n’est presque jamais mentionné dans les brochures qu’ils partagent sur le marché ce samedi 22 Juin. Thomas Ménagé, le député du Rassemblement National (RN), en cherchant dans sa brochure, dit hésitant, « On dirait qu’on l’a placé quelque part… » Une référence fugace, dans le neuvième des onze paragraphes de son texte qui souligne principalement son « engagement sur le terrain ». « On imaginait qu’ils en feraient tout un plat, mais nous ne le considérons pas comme un enjeu majeur de la campagne. Les troubles ne sont qu’un révélateur de l’insécurité quotidienne ressentie par les citoyens, » déclare le député, élu avec 63,4% des votes, surpassant le candidat de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), Bruno Nottin, en 2022. « Nous ne voulions pas trop insister sur des incidents qui pourraient porter atteinte à l’image de l’endroit ».
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