Ce live a été animé par Solène L’Hénoret, Marie Pouzadoux, Anna Villechenon, Charlotte Herzog et Dorian Jullien. Découvrez tous nos articles, reportages et analyses sur le conflit en Ukraine. « Le Monde » propose des reportages, analyses et explications détaillées.
Le processus de russification et l’endoctrination des écoliers dans les régions occupées de l’Ukraine sont discutés.
Les rapprochements délicats dans l’armement entre les industries européennes et ukrainiennes sont également présentés. L’industrie de défense de l’Ukraine démontre des signes de force mais aussi des faiblesses lors du salon Eurosatory.
La Corée du Sud envisage d’apporter son soutien à l’Ukraine en fournissant des armes. En mer du Nord, la Russie dissimule ses activités d’espionnage à l’aide de bateaux commerciaux.
En Ukraine, les femmes assument des rôles marquants dans la sphère économique, remplaçant les hommes.
Nous répondons également à vos questions les plus courantes telles que la façon dont Moscou et Kiev font usage de drones.
La guerre de drone entre la Russie et l’Ukraine a connu une augmentation significative ces derniers mois. Un rapport publié en mai 2023 par un think tank britannique spécialisé en défense indique que l’Ukraine perd environ 10 000 drones par mois sur le champ de bataille, soit plus de 300 par jour. A titre comparatif, l’armée française possède un peu plus de 3 000 drones dans ses réserves. Les forces ukrainiennes et russes emploient principalement de petits UAV (véhicules aériens sans pilote) d’origine civile, abordables et disponibles en grande quantité. Ils permettent l’observation du champ de bataille, le guidage des troupes ou des tirs d’artillerie ; certains peuvent même être modifiés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite lâchées sur des tranchées ou des tanks.
Bien que moins présents, les drones-kamikazes jouent un rôle significatif dans les conflits. Ces UAV, armés d’explosifs, sont envoyés au-delà des frontières de combat sans qu’un objectif précis leur soit donné. La Russie utilise les drones russes Lancet-3, ainsi que les Shahed-136, fabriqués en Iran. Ne possédant pas de puissante flotte de guerre, l’Ukraine provoque son adversaire avec des drones marins, des petites embarcations dirigées à distance et équipées d’explosifs (450 kg de TNT).
Le rôle crucial des drones dans leurs missions pousse les Ukrainiens et les Russes à doper leurs troupes pour le long terme, pas seulement en achetant massivement des drones civils sur le marché, mais aussi en développant leur production nationale. Alors qu’elle était balbutiante au début de la guerre du Donbass il y a une dizaine d’années, l’industrie ukrainienne a depuis renforcé ses capacités. En août dernier, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une copie du drone russe Lancet était en cours de développement et serait bientôt introduite sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
La Russie, en revanche, est freinée par les sanctions occidentales qui restreignent son accès aux composants électroniques. Néanmoins, d’après les services de renseignement américains, Moscou aurait commencé à ériger une usine dans la zone économique spéciale d’Alabuga pour produire ses propres drones-kamikazes de conception iranienne semblables aux Shahed-136.
En ce qui concerne l’inventaire de missiles de l’armée russe, on ne peut que conjecturer. Les services de renseignement ukrainiens fournissent régulièrement des informations à ce sujet, mais leur crédibilité est remise en question.
D’après les déclarations de Andri Ioussov, représentant officiel de la direction du renseignement du ministère de la défense (GUR), rapportées par Liga.net, l’armée russe possédait avant le conflit, environ 2 300 missiles, balistiques ou de croisière. On estime qu’il restait plus de 900 de ces missiles au commencement de l’année. A ce nombre, s’ajoutent, selon le porte-parole, près de dix mille missiles antiaériens S-300 ayant une portée approximative de 120 kilomètres et un grand nombre de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août,Vadym Skibitsky, le deuxième en commandement du GUR, a révélé un chiffre de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.
En termes de capacités de production, il semble qu’elles ont augmenté pour atteindre une production mensuelle d’une centaine de missiles, balistiques ou de croisière, d’après plusieurs experts. En octobre, le GUR estime cette production à 115 unités.
D’autre part, la Russie aurait acquis des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait d’en acquérir. D’après des sources iraniennes citées par l’agence Reuters, 400 missiles iraniens de la série Fateh-110 (d’une portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés en Russie depuis janvier, période à laquelle un accord aurait été signé. Le nombre de missiles nord-coréens acquis par la Russie est inconnu, néanmoins, 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon les expertises effectuées sur les débris et les trajectoires, il se pourrait qu’il s’agisse des missiles KN-23 et KN-24 ayant une portée approximative de 400 kilomètres.
Et qu’en est-il des avions de combat F-16 ?
En août 2023, les États-Unis ont répondu favorablement à une demande du président ukrainien de longue date et ont accepté de transférer des avions de combat F-16 à l’Ukraine. Alors que neuf pays européens, dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, possèdent une flotte potentielle d’environ 300 F-16, tous ne sont pas prêts à en céder immédiatement.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait mentionné que ses alliés occidentaux avaient promis 42 F-16 à Kiev, mais cette information n’a pas été vérifiée. Le Danemark a promis d’en céder 19, avec une livraison prévue pour les six premiers à la fin de 2023, huit de plus en 2024 et cinq supplémentaires en 2025, selon la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis des F-16, ont 42 unités en leur possession, mais n’ont pas indiqué combien ils prévoient d’en céder.
Pour compliquer davantage la situation, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour piloter ces avions de combat américains. Onze alliés de Kiev ont accepté de former des pilotes. Selon l’OTAN, les forces ukrainiennes devraient être en mesure d’utiliser efficacement ces avions en combat au début de 2024, bien que d’autres experts prédisent que cela pourrait ne pas se produire avant l’été 2024.
Quel type d’aide militaire est fourni à Kiev par ses alliés ?
Selon le plus récent compte-rendu de l’Institut Kiel, publié en février 2024, l’aide occidentale providentielle pour Kiev a connu une réduction significative entre août 2023 et janvier 2024, deux ans après l’émergence de la guerre à grande échelle. Une réduction d’aide comparée à la même période l’année précédente. De plus, cette récession pourrait se prolonger, vu que les discussions concernant des aides supplémentaires stagnent au sénat américain. De surcroît, l’Union Européenne (UE) a confronté des défis majeurs lors de l’adoption d’une aide de 50 milliards d’euros le 1er février 2024, suite aux objections hongroises. Il est important de noter que ces deux paquets d’aide ne sont pas encore inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui est terminé en janvier 2024.
Les informations du Centre allemand révèlent une réduction du nombre de donateurs qui est maintenant limité à quelques pays tels que les États-Unis, l’Allemagne, ainsi que les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces pays offrent une aide financière conséquente ainsi que des armements avancés. Depuis février 2022, l’engagement total des pays envers Kiev est d’au moins 276 milliards d’euros, que ce soit au niveau militaire, financier ou humanitaire.
Les pays les plus aisés ont été les plus généreux en termes d’aide. Les États-Unis mènent le bal avec des dons atteignant 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards dédiés à l’aide militaire. Les pays de l’UE ont promis des aides à la fois bilatérales (64.86 milliards d’euros) et collectives venant des fonds de l’UE (93.25 milliards d’euros), totalisant 158,1 milliards d’euros.
Lorsqu’on compare les contributions à l’aide apportée à l’Ukraine en fonction du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le tableau est bien différent. Les États-Unis, par exemple, tombent à la vingtième place (0,32% de leur PIB), bien en dessous de pays voisins de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques alliées. L’Estonie est en tête de la liste, avec une contribution représentant 3,55% de son PIB, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lithuanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) ferment le top 5. Les trois États baltes, qui partagent tous une frontière avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, comptent parmi les donateurs les plus généreux depuis le début de ce conflit.
La France, quant à elle, n’est qu’à la vingt-septième place, avec une contribution de 0,07% de son PIB, à peine derrière la Grèce (0,09%). L’assistance fournie par la France a progressivement diminué depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La France était vingt-quatrième en avril 2023, et treizième à l’été 2022.
Enfin, qu’est-il connu de la situation tendue à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
L’Ukraine et la Pologne sont dans une situation de tension depuis plusieurs mois, en raison du transit des céréales ukrainiennes qui est au centre des conflits. Pour alléger les tensions, au printemps 2022, l’Union européenne avait opté pour des « voies solidaires » pour favoriser le transport et la commercialisation des produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient, sans impositions douanières.
Cependant, la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les problèmes agricoles mondiaux, indique que presque la moitié des céréales ukrainiennes transitent ou terminent leur voyage dans l’Union européenne. Ces céréales ont un coût nettement inférieur à celui du blé produit dans l’UE, surtout dans les pays d’Europe centrale.
En réponse à cet effet perturbateur sur leur marché local et la menace pour les revenus de leur agriculture, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont suspendu leurs importations en avril 2023. Bruxelles a approuvé cet embargo à la condition qu’il ne perturbe pas le transit vers d’autres pays et qu’il ne dure que quatre mois.
Cependant, Varsovie, soulignant que le problème sous-jacent n’a pas été résolu, a choisi de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, en dépit de l’opinion de Bruxelles selon laquelle l’embargo n’avait plus de justification. Selon Bruxelles, leurs analyses indiquent qu’il n’y a plus de déséquilibre dans les marchés nationaux de céréales.
Des agriculteurs en Pologne ont mis en place un blocus à la frontière ukrainienne pour stopper l’entrée des camions ukrainiens sur leur sol national. Ce mouvement de protestation vise à exiger un « embargo total » sur les marchandises agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. Ces agriculteurs mettent en avant la hausse significative de leurs frais de production tandis que leurs silos et entrepôts sont bondés et que les prix restent extrêmement bas. Le président ukrainien a jugé au commencement de 2024 que le siège à la frontière polonaise témoignait d’une « détérioration de la solidarité » vis-à-vis de son pays, et a sollicité des discussions avec la Pologne. De plus, il a affirmé que seulement Moscou tire profit de ces tensions. Il a également condamné « l’émergence de slogans explicitement pro-Poutine ».
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