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25 juin 2024 21 h 10 min

« Destruction méthodique des médias à Gaza »

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Le 12 novembre 2023, à 11 h 39 précisément, toutes les images en temps réel de Gaza disparaissent, l’Agence France-Presse (AFP) perd son signal juste quand l’armée israélienne commence son attaque. Ce black-out des transmissions n’est pas uniquement dû à l’incapacité des employés de l’AFP d’atteindre leurs bureaux et de maintenir le système vidéo en marche, mais également à une politique délibérée de dissimulation mise en place par Israël.

Une enquête réalisée par 13 médias internationaux, y compris Le Monde, et orchestrée par Forbidden Stories, révèle qu’à la suite de l’agression du Hamas le 7 Octobre 2023, l’armée israélienne entreprend une démolition systématique des infrastructures médiatiques de Gaza. L’ambition tacite est de minimiser autant que possible l’écoulement d’images et d’informations provenant de la région et de diminuer simultanément la pression exercée sur l’état-major israélien.

Irene Khan, la rapporteuse spéciale des Nations unies pour la promotion et la sauvegarde de la liberté d’expression et d’opinion, déclare : « la possibilité d’un crime de guerre est forte, il est certain que les images en direct deviennent une preuve essentielle ».

Au cours de quatre mois, l’organisation Forbidden Stories a organisé une enquête impliquant cinquante membres de la presse de treize organisations de médias internationales, y compris Le Monde. Cette enquête vise à enquêter sur les attaques des forces israéliennes contre les journalistes depuis le lancement de leur offensive à Gaza. L’effort de ce « Projet Gaza » a mobilisé plus de 120 témoins, des analyses balistiques, des images satellites, des vidéos et a examiné plus d’une centaine de cas de journalistes et de membres des médias qui ont été tués lors de bombardements ou de frappes de drones, que ce soit chez eux, dans les rues ou en reportage. Malgré les dénégations d’Israël d’avoir intentionnellement attaqué les journalistes, l’enquête a recensé au moins quatorze journalistes et personnels des médias tués ou blessés alors qu’ils portaient un gilet de « presse » clairement visible, que ce soit à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban.

Avant le déclenchement de la guerre, les rares médias sur place étaient basés dans les immeubles les plus hauts. L’AFP occupait les trois derniers étages de la tour Hajji, dans le quartier Rimal de Gaza. Le 13 octobre 2023, l’armée israélienne ordonne à un million de personnes d’évacuer le nord de Gaza. En pleine nuit, les huit employés de l’AFP, tous originaires de Gaza et travaillant pour l’agence depuis de nombreuses années, sont contraints de quitter la tour. Avant de partir, ils installent une caméra au onzième étage, alimentée par des panneaux solaires, diffusant en temps réel les images de la ville, qui sont scrutées et reprises par les médias internationaux. Un représentant de l’agence se rend occasionnellement sur place pour vérifier son fonctionnement.

Ces coordonnées avaient pourtant été transmises à Tel-Aviv.

Le 2 novembre 2023, l’immeuble a été ébranlé par une première détonation à 11 h 55, suivie de trois autres, causant en particulier la destruction de la salle abritant les serveurs informatiques. Grâce à une enquête menée conjointement par la cellule d’investigation vidéo du Monde et le média d’investigation allemand, Paper Trail Media, l’emplacement des attaques et leurs responsables ont été identifiés: des tanks israéliens placés à 3 kilomètres de l’immeuble avec un champ de visée et un tir clairs. Plusieurs experts en armements ainsi que Earshot, une organisation spécialisée dans l’analyse sonore, approuvent ces conclusions. En dépit de l’envoi des coordonnées du bâtiment à Tel-Aviv à de multiples occasions, ces attaques ont eu lieu.
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