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24 juin 2024 5 h 06 min

« Serge Slama: Désobéissance face aux lois RN »

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Serge Slama, un éminent professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes et membre du Centre de recherches juridiques, est également affilié à l’Institut Convergences Migrations. Il est notamment l’auteur de « Les Discriminations selon l’origine », publié en 2009 par la Documentation française.

Le Rassemblement national (RN) pourrait obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, ce qui lui permettrait de mettre en œuvre une partie de son programme législatif. Mais quelles mesures en relation avec les droits des étrangers représenteraient le plus grand bouleversement ?

Depuis la naissance du Front national dans les années 1980, ce parti d’extrême droite a conservé un positionnement constant sur les questions d’immigration et d’asile. Leurs priorités restent les mêmes : privilégier les citoyens nationaux dans l’accès à l’emploi, aux aides sociales et au logement social, remettre en question le droit du sol et les droits des binationaux, supprimer l’aide médicale de l’Etat, réduire drastiquement l’immigration légale et les régularisations des sans-papiers tout en restraignant le droit d’asile, limiter la réunification familiale, expulser systématiquement les étrangers jugés « indésirables » et rétablir les frontières nationales en plus des frontières « Schengen ».

Les principes et valeurs fondamentaux de la République sont ouvertement remis en question par ces suggestions. Non seulement elles sont incompatibles avec les principes d’égalité, de fraternité et le droit d’asile inscrit dans la Constitution, mais elles sont aussi contraires aux droits et libertés garantis aux résidents de la République selon l’interprétation du Conseil constitutionnel depuis 1993. Bon nombre de ces propositions sont également en violation avec nos engagements internationaux et européens. Le Rassemblement national en a conscience puisque son groupe à l’Assemblée a présenté le 25 janvier une proposition de législation constitutionnelle visant à exalter le droit français sur le droit européen, une démarche qui pousserait la France à quitter l’Union européenne sur le plan juridique, ce qui ressemble à un vrai « Frexit » légal.
De l’avis des juristes, l’installation d’un système favorisant les nationaux serait rejetée par le Conseil Constitutionnel. Si le RN persiste dans sa volonté de le mettre en place, un conflit avec les membres du Conseil est-il inévitable ?
Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, a affirmé dans Le Monde [le 6 mai] qu’une « préférence nationale systématique va à l’encontre de la Constitution ». En effet, dans son décret du 11 avril, le Conseil constitutionnel a rejeté une proposition de référendum d’initiative partagée formulée par les législateurs Les Républicains qui souhaitaient imposer aux non-Européens des périodes de résidence pour bénéficier de diverses prestations sociales, jugée inconstitutionnelle.
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