Frédéric Sawicki, qui est un professeur de science politique à l’Université Panthéon-Sorbonne et un chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (Cessp-CNRS), a coécrit avec Igor Martinache, deux ouvrages intitulés « La Fin des parties? » (PUF, 2020) et « Les Réseaux du parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan » (Belin, 1997).
Les élections législatives qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet se dérouleront sous un scrutin majoritaire uninominal à deux tours, contrairement à l’élection européenne qui se base sur le scrutin proportionnel. Ces différents modes de vote influencent-ils la panorama politique?
Lors des élections européennes, le scrutin proportionnel, qui consiste en un seul tour, a encouragé les partis à se démarquer les uns des autres. Quand les représentants sont élus proportionnellement, la nomination du dirigeant exécutif et l’élaboration du programme gouvernemental proviennent de compromis établis après le vote.
Cependant, dans le contexte des législatives, le scrutin majoritaire à deux tours fonctionne de manière opposée : il incite les partis à former des alliances et à proposer des candidatures ainsi qu’un programme commun avant même le premier tour. La création du Nouveau Front Populaire est un parfait exemple de cette dynamique, tout comme les négociations tumultueuses entre le Rassemblement National (RN), Reconquête!, et le président du parti Les Républicains (LR), ainsi que les arrangements discrets conclus localement entre Renaissance et LR pour se répartir certaines régions électorales.
Le scrutin majoritaire à deux tours a pour effet de déformer la représentation politique : il marginalise les petits partis tout en renforçant la victoire des grands. Cette tendance, qui a longtemps limité la représentativité du Front National (FN), pourrait-elle à l’avenir augmenter son nombre de représentants élus?
Le système électoral majoritaire en deux tours a maintenu le FN, et plus tard le RN, loin du pouvoir pendant une longue période, à l’exception de la période 1986-1988, où le FN comptait un groupe de 35 députés, attribuable à un processus de vote proportionnel à l’Assemblée. Malgré le fait que le parti représentait approximativement 20 % de l’électorat durant les années 2000 à 2020, le FN/RN a été exclu du Parlement jusqu’en 2022. A cette époque, la tripolarisation n’était plus contenue par le système de vote ; en 2022, le RN a recueilli la majorité des votes dans de nombreuses circonscriptions.
Peut-on réellement envisager que le RN devienne majoritaire à l’Assemblée dans le futur ?
Cela dépendra de divers facteurs tels que le taux de participation, le niveau de mobilisation des différents électorats et les stratégies adoptées par les autres partis politiques en compétition. Depuis l’imposition du quinquennat, les élections législatives sont un moyen de confirmation avec un taux de participation généralement bas, comme si une grande partie des Français, en particulier ceux qui ont soutenu les candidats perdants, estimaient que les résultats de l’élection présidentielle étaient définitifs. Ce sentiment a permis aux présidents, jusqu’en 2022, de bénéficier d’une solide majorité parlementaire, bien que celle-ci ait parfois été élue avec moins de 20 % des inscrits, comme ce fut le cas en 2017.
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