Il est un postulat politique que ses militants entourent souvent d’un faux semblant de vérité. L’idée de priorité aux citoyens français, que le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen tente de normaliser, vise simplement à étendre à l’échelle du pays les nuances subtiles qui ont toujours gouverné les solidarités locales. « Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, » déclarait autrefois Jean-Marie Le Pen. « Nos concitoyens d’abord, » résumait le programme de Marine Le Pen en 2022. La priorité nationale est un simple « principe de logique, » conclut désormais Jordan Bardella.
Bien que cette idéologie écarte les étrangers d’une solidarité nationale à laquelle ils participent financièrement, et qu’elle établit des privilèges interdits par d’importants textes internationaux, le RN la défend comme une règle fondamentale du bon sens : tous les Français doués d’un minimum de discernement savent bien, selon ses dirigeants, que « la charité commence par soi-même ». En liant la priorité nationale à la sagesse populaire, ils mettent en pratique une politique formulée il y a plus de quarante ans par l’un des idéologues du parti d’extrême droite, François Duprat.
Au cours des années 1970, un intellectuel ayant traversé les régimes d’Occident et d’Ordre nouveau recommande au Front National (FN) de baser son discours anti-immigration non pas sur des propos haineux, mais plutôt sur des arguments rationnels, sociaux et politiques. Dans un pays comme la France qui vient d’instaurer des lois contre le racisme (1972), cet individu se décrivant comme un « néofasciste » espère contourner de possibles impasses et élargir la base électorale du FN. « Il faut définir nos objectifs, écrit-il en 1978 dans une note interne. Devons-nous plaire à un militant agressif d’une section ou à un sympathisant indéfini, ou devons-nous attirer des milliers de votants et de membres à nos idées? »
Quelques années plus tard, en 1985, le terme « préférence nationale » se propage en gros titres sur la couverture d’un ouvrage écrit par plusieurs auteurs et publié par les éditions Albin Michel. L’auteur principal, Jean-Yves Le Gallou, un diplômé de l’ENA affilié à l’UDF qui a créé, en 1974, le Club de l’horloge, un groupe de jeunes technocrates qui aspirent, selon l’historien Nicolas Lebourg, « à un Etat à la fois économique et prenant soin de la race ». Ce travail, conçu pour fournir des « éléments de doctrine à la droite », est salué par le FN – à tel point que Jean-Yves Le Gallou rejoint alors le parti d’extrême droite.
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