Dans l’arène souvent tendue des batailles électorales, les altercations ne sont pas rares lors de la distribution de tracts sur les marchés. Cependant, dans un climat empoisonné par l’antisémitisme, qui est à la fois un enjeu et un tabou de la campagne législative, un incident particulier a émergé. Cet incident a opposé Manon Monmirel, la suppléante du leader de La France Insoumise (LFI) à un résident juif de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Les versions des faits diffèrent selon les parties impliquées, et des plaintes ont été déposées de part et d’autre.
Le vendredi 21 juin, vers minuit, un homme de 40 ans, que nous appellerons Martin (son prénom a été changé à sa demande), était assis sur la terrasse du café-restaurant Le Vallès à Saint-Ouen, en compagnie de quelques amis. Eric Coquerel, un cadre de LFI et candidat aux élections législatives sous l’étiquette du Nouveau Front populaire dans son bastion de Seine-Saint-Denis, a fait une apparition aux côtés de sa suppléante, Manon Monmirel, 33 ans. Eric a salué les clients, y compris Martin avec qui il a échangé une poignée de main. Cependant, Martin a exprimé son mécontentement à l’égard d’Eric, qu’il accuse de mener une campagne axée exclusivement sur la question de Gaza et la Palestine. Martin, bien qu’il soit juif non pratiquant sauf lors des grandes fêtes religieuses, s’est dit en colère contre Eric, comme il l’a confié au quotidien Le Monde. Pour éviter d’attirer l’attention du public, les deux hommes se sont réfugiés sous les arcades d’un immeuble pour continuer leur discussion à l’abri de la pluie.
Selon un compte-rendu consulté par Le Monde et basé uniquement sur les déclarations de Martin, une partie de son échange avec Eric Coquerel est détaillée. Martin a affirmé que, bien que le parti de Coquerel ne soit pas antisémite, il permet à l’antisémitisme de se propager dans les banlieues. De plus, Martin, en tant que juif de banlieue, vit de plus en plus d’antisémitisme, même s’il n’est pas un supporter de Nétanyahou. Si des tensions sont apparues au cours de la conversation, Martin a néanmoins insisté sur le fait qu’ils se tutoyaient et se respectaient.
Dans une publication Facebook de 2019 récupérée par Le Monde, Eric Coquerel se souvient d’un soir de célébration de la fête de la musique, après une tournée électorale, où ils ont été accueillis chaleureusement dans un établissement. Là, un individu, Martin, insistant, a désiré lui parler. Celui-ci l’a tout de suite accusé d’antisémitisme et a présenté comme seule preuve une pizza aux couleurs de la Palestine, produite lors d’un événement de campagne. A ce moment, les esprits se sont échauffés.
Par la suite, les récits des incidents diffèrent. Selon M. Coquerel, sa suppléante, inquiète, se serait approchée des deux individus « lorsqu’elle a réalisé que j’étais sous attaque ». Martin l’aurait immédiatement « chahutée », se référant à une publication sur Facebook datée des élections européennes du 26 mai 2019, durant lesquelles LFI a obtenu un maigre score de 6,3% des voix. « Que la France et tous les Français aillent se faire foutre. Pays de fascistes », avait alors posté Manon Monmirel sur le réseau social, lors de l’annonce des résultats. L’entrée a été rapidement supprimée et la jeune femme a exprimé ses regrets, identifiant cela comme une « grosse erreur à la fois morale (…) et politique ». Cependant, depuis le lancement de la campagne législative, ce message en question a été ressuscité de l’abîme de l’internet pour réapparaître sur de nombreux sites et comptes appartenant à l’extrême droite. C’est dans ce contexte, affirme Eric Coquerel, « d’horrible cyberharcèlement racial ».
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