La terre au sud du Honduras, le long des estuaires du golfe de Fonseca, est couverte de quadrillages à perte de vue. Ils représentent des centaines de bassins rectangulaires, construits pour l’élevage de crevettes. Ces bassins se trouvent au milieu de mangroves, des forêts marécageuses d’une diversité biologique extraordinaire. Le problème réside dans leur implication présumée dans la diminution des population de poissons et crustacés du golfe, affectant ainsi des milliers de pêcheurs qui en dépendent.
Dans ce pays d’Amérique centrale, souvent menacé par des ouragans de plus en plus violents, les mangroves servent de barrière naturelle. En même temps, leurs eaux salées et boueuses sont adaptées pour l’élevage de crevettes, qui a démarré dans les années 70 suite à la hausse de la demande mondiale.
Depuis 1986, la zone allouée à l’élevage des crevettes autour du golfe de Fonseca a été multipliée par presque quarante, couvrant 24 500 hectares – une superficie équivalente à deux fois et demie celle de Paris. Les éleveurs n’ont montré aucune réticence à déforester les mangroves pour construire des bassins séparés par des digues.
En 2023, avec 36 000 tonnes de crevettes produites par 420 fermes, le Honduras est devenu le cinquième exportateur de crevettes au monde. L’industrie prétend avoir généré 120 000 emplois, directs ou indirects, dans un pays de 10 millions d’habitants où le taux de pauvreté dépasse 60 %.
Modesto Ochoa, 60 ans, occupe le poste de président de l’association de pêche dans la région de La Berberia, située près de la réserve de San Bernardo. Il a également joué le rôle de président du Comité pour la défense et le développement de la flore et de la faune du golfe de Fonseca, également appelé Coddeffagolf, établi en 1988. Il a rapidement exprimé son désaccord avec les pratiques des fermes de crevettes qui s’établissaient aussi dans les lagons hivernaux. Ces grands espaces naturels sont remplis d’eau douce avec les pluies de fin d’année et d’eau salée des estuaires lors des marées, créant un environnement parfait pour la pêche artisanale. Il se rappelle « On a coupé les fils barbelés, bloqué les routes et occupé les ponts ».
Dans les bassins construits par l’homme, des pompes aspirent l’eau des estuaires pour renouveler l’oxygène et fournir de la nourriture aux crevettes élévées en nurserie. Cependant, l’action de pompage et de rejet de l’eau, combinée à celle de libérer, pendant cinquente ans, des sédiments riches en azote, en phosphate et en matières organiques, est suspectée d’avoir réduit, voire éliminé certaines espèces du golfe. Un pêcheur au nord de La Berberia exprime son mécontentement en disant « Avant, je ramenais 45 kilos de poisson par jour ; de nos jours, à peine deux ou trois ».
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