Dès l’aube du vingtième siècle, les collections de croisière étaient conçues comme des idées stylistiques visant à captiver les fashionistas profitant de leurs vacances sous le soleil. À partir de la fin des années 2000, avec l’expansion du marché du luxe, ces créations commerciales et stratégiques, disponibles en boutiques de novembre à juin, sont devenues des vitrines extravagantes et des défilés spectaculaires, auxquels sont invités des clients fortunés, les médias et des célébrités.
De nos jours, des pré-collections ou de nouvelles collections, pour les femmes comme pour les hommes, sont traitées de manière similaire, avec des dépenses marketing se chiffrant en millions d’euros. Sans trop se préoccuper de l’empreinte carbone que, en pleine pandémie, certains promettaient de vouloir réduire… L’édition 2024 de ce tour du monde, très riche, a donc privilégié des lieux exceptionnels et de nombreux sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme la Cité radieuse à Marseille, le parc Güell à Barcelone, ou la Cité des Doges à Venise.
Jeudi 2 mai, Chanel à Marseille
Avec ses 337 appartements, son école maternelle, son gymnase, sa salle de projection, ses boutiques, sa piscine, son hôtel-restaurant et son centre d’art, la Cité radieuse de Le Corbusier à Marseille a été conçue comme un village vertical, protégé et libérateur. En construisant ce bloc de béton brutaliste sur pilotis, avec des sections de mur peintes de couleurs vives, entre 1947 et 1952, l’architecte visait à « libérer la femme au foyer des contraintes domestiques qui sont un véritable esclavage » et à « créer les conditions d’une enfance joyeuse et saine, » comme il le proclamait en 1952 lors de l’inauguration.
L’architecte suisse n’avait jamais pensé que son habitat utopique deviendrait un lieu de défilé de mode. Cependant, le 2 mai, Chanel, la géante corporative qui a réalisé un chiffre d’affaires de 19 milliards d’euros en 2023, y a dévoilé une collection de croisière hédoniste.
La créatrice Virginie Viard a présenté soixante-seize looks sur la terrasse de l’édifice, contemplant le ciel blanc et le vent mistral. De nombreux looks reflétaient l’esthétique de l’endroit, aux couleurs pop que Le Corbusier nommait autrefois « vert clair », « jaune vif », « terre d’ombre brûlée » et « terre de Sienne claire ». Ces teintes venaient piquer la palette habituelle de noir, blanc, beige de Chanel. L’aspect structuré du bâtiment a été reproduit dans les motifs carrés présents sur des robes courtes avec des poches plaquées, des costumes en tweed ou des cardigans en maille grillagée.
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