Vers la fin de son livre « Les Derniers Jours de Roger Federer », Geoff Dyer propose une idée qui selon lui a toujours été le fondement de son travail : l’abandon. Ce concept est omniprésent dans ses quatre romans et seize livres de non-fiction. Deux de ses romans (« La Couleur du souvenir » en 1996, et « Voir Venise, mourir à Varanasi » en 2011) et trois de ses ouvrages de non-fiction (dont « Jazz impro » en 1995, et « Ici pour aller ailleurs » en 2020) ont été traduits en français. L’écrivain britannique, né en 1958 et vivant en Californie, envisage de réévaluer toutes ses oeuvres à travers le prisme de cette idée d’abandon, mais il remet souvent ce projet à plus tard, à « une journée pluvieuse ». L’ironie de cette procrastination semble renforcer son propos. Son livre explore principalement les dernières œuvres d’artistes ou de sportifs, et questionne ce qui les pousse à se retirer.
Il existe quelques constantes dans l’œuvre étonnamment flexible de l’auteur, qui se caractérise par sa précision tout autant que par son insouciance et son ironie. L’auteur a discuté par écrit avec « Le Monde des livres », affirmant qu’il se pourrait avoir fini avec le roman mais cela ne le préoccupe pas. Son intérêt a toujours été l’écriture, peu importe la forme précise qu’elle prend. Il se réjouit de voir que le style caractéristique de ses œuvres de non-fiction se répand. Ces œuvres se situent à la croisée du reportage, de la critique d’art et du récit personnel et sont souvent qualifiées de « genre-defying » (défiant les genres) par la presse britannique. Il compare ce phénomène à un logiciel devenu accessible à tous. Il note également qu’il existe désormais dans les librairies des espaces dédiés aux livres qui ne correspondent à aucune catégorie définie, un fait qui n’était pas vrai lorsqu’il a commencé sa carrière. Loin de revendiquer avoir initié une révolution ou déclaré une nouvelle République des lettres, il affirme simplement faire son propre travail dans son propre coin, le plus souvent dans l’indifférence générale. Malgré la passion d’admirateurs comme Emmanuel Carrère, son œuvre n’a pas encore trouvé en France le vaste public qu’elle mérite, bien qu’elle suscite l’intérêt d’un large public dans les pays anglophones depuis longtemps. Admiré par beaucoup, cette situation intrigue.
Geoff Dyer a fait ses débuts en tant qu’auteur en 1986, en publiant son premier livre basé sur sa thèse centrée sur John Berger (1926-2017), un écrivain qu’il mentionne souvent. Il fait référence à Berger, entre autres, dans « Les Derniers Jours… », un ouvrage dans lequel il convoque plusieurs artistes qui l’ont influencé, allant de Beethoven à l’auteure Annie Dillard, de Nietzsche au peintre Turner, jusqu’à la lauréate du Prix Nobel de littérature, Louise Glück, Bob Dylan et Roger Federer, qu’il considère comme un véritable artiste. Pour accéder à la suite de cet article, il faut être abonné.
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