« La Conception du Repos », par Alain Corbin, version Pocket, collection « Agora », avec 128 pages pour 7,70 €.
Sous la supervision de Anne-Emmanuelle Demartini, « Alain Corbin: Auteur d’histoire », une publication inédite de Champs, collection « Histoire », avec 300 pages à 12 €.
« La préférence pour la plage », une compilation par Gérard de Cortanze, éditée par Mercure de France, la collection « Le petit Mercure », 112 pages pour 9 €.
À travers les pages du « Le Gai Savoir » (1882) de Nietzsche, on note « Jusqu’à ce moment, toute chose qui a apporté de la couleur à la vie n’a pas encore d’histoire. Où pourrait-on trouver, par exemple, une histoire de l’amour, de la cupidité, de la jalousie, de la conscience, de la piété, de la cruauté ? ». Cette citation a inspiré Michel Foucault, historien de la folie (1961), et semble, au fil du temps, être destinée à Alain Corbin, distingué historien des « nuances » sensibles de la vie (l’odorat, l’orgasme et la prostitution, le rivage, les cloches, l’ignorance, la fraîcheur, la sensibilité au vent) et explorateur d’individualités historiques exceptionnelles (aristocrate lynché, sabotier inconnu).
L’histoire du repos, à l’instar de celle du silence, est poussée à ses limites par son enquête. En effet, on tend à penser que ceux qui se reposent n’ont pas d’histoire, qu’ils cherchent même à fuir leur propre histoire en se reposant. Cependant, Corbin démontre que, bien au contraire, c’est le repos qui donne naissance et rythme à l’histoire, du « repos éternel » au dolce far niente des vacanciers. Au commencement, il y avait le repos divin, sabbatique mais actif, qui donne l’essence à celle-ci. De là découle l’idée d’une douce tranquillité, celle des mystiques, des « quiétistes » et des autres qui ont l’âme en paix, une notion sévèrement condamnée par Bossuet, qui y voit une « somnolence » végétative de l’âme.
Léon, avant l’époque de Montaigne, cherchait à se « créer une tranquillité », une notion noble qui intersectait le sort de divers personnages, parmi lesquels Charles Quint qui en 1555, se déchargea de ses responsabilités impériales pour savourer la quiétude monastique ou Bussy-Rabutin, le noble disgracié, exilé en province et obligé par le monarque Louis XIV, à s’éterniser. Un calmement sédentaire dans un espace défini mais familier, qui fait écho dans l’œuvre Voyage autour de ma chambre, de Xavier de Maistre (1795). Au 18ème et 19ème siècles, la tranquillité se convertit en une discipline authentique, la relaxation en une forme de curative, semblable aux arts martiaux, avec ses lieux de pratique : le bateau rousseauiste, l’herbe et l’ombre, le fauteuil à bascule et surtout, la plage et la côte. Le sabbat hebdomadaire instaure la discipline du dimanche : jour pour mettre en pause le travail et le commerce, jour dédié au culte et à la prière, mais qui n’empêche pas l’ennui, proche de l’acédie monastique, de vider l’âme de tout désir : « Je déteste les dimanches », a déclaré Juliette Gréco en 1951, dans une chanson écrite par Charles Aznavour. Avec un texte court mais dense, Alain Corbin imprègne la tranquillité d’une dimension créative. Grâce à lui, se reposer est perçu comme un art. Cependant, 26,45% de cet article restent à lire, la suite est exclusive pour les abonnés.
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