Etienne Ollion, chercheur en sociologie au Centre national de la recherche scientifique et professeur à l’école Polytechnique, a effectué de nombreuses études sur l’évolution de la situation politique actuelle. Il a également rédigé le livre « Les candidats. Novices et professionnels en politique » publié par les Presses universitaires de France en 2021. Cette œuvre présente une étude sur l’Assemblée nationale de 2017, où une centaine de nouvelles figures ont fait leur entrée en politique.
L’une des questions abordées est celle de savoir si la dissolution pourrait être justifiée par l’inaptitude de la France à être gouvernée. Cette idée est souvent évoquée au sein de Renaissance et reprise par le président Macron. Cependant, pour Ollion, ce raisonnement est insuffisant pour soutenir cette dissolution. En réalité, l’Assemblée, à laquelle la question fait référence, fonctionnait correctement. Les textes étaient parfois votés et adoptés grâce aux instruments que la Constitution fournit à l’exécutif, et aucun blocage considérable n’était observé.
Selon lui, bien qu’il soit moins commode d’appliquer l’article 49.3 que de bénéficier d’une majorité favorable aux textes, cela n’a pas entravé la législation. Au mieux, cela a pu ajouter de l’incertitude et du stress. Au sujet du timing, l’option de dissolution aurait pu être envisagée à l’automne ou même restée comme une menace potentielle pour des députés sensibles à une telle idée.
Enfin, Ollion se demande si les institutions de la Ve République sont en mesure de servir de contrepoids à un exécutif d’extrême droite.
Les institutions françaises fournissent une solide protection à ceux qui s’y trouvent. Contrairement à l’étranger, les mécanismes de contrôle sur l’exécutif en France sont modestes, offrant une grande souplesse pour promulguer des politiques. C’est particulièrement vrai dans le domaine législatif où de nombreux outils permettent d’agir même en l’absence de majorité. Prenons par exemple le budget, un composant clé de la politique nationale, qui peut être approuvé sans débat en utilisant l’article 49.3 à répétition.
De plus, il existe un éventail d’outils permettant de limiter les parlementaires, comme la retenu des votes (qui repousse les votes à une date ultérieure), les votes bloqués ou même le temps législatif programmé. Ce que l’on appelle le « parlementarisme rationalisé » offre un pouvoir considérable au gouvernement doté d’une majorité, même relative. La Constitution de 1958 a doté l’exécutif de moyens permettant de restreindre le législatif, de l’obliger à se conformer.
Néanmoins, ce n’est pas le seul aspect où l’exécutif détient d’importants pouvoirs d’action. Du fait de la centralisation en France, la plupart des décisions sont prises à Paris. C’est une distinction notable par rapport aux Länder en Allemagne ou aux régions en Espagne, où ils disposent de plus de pouvoir pour équilibrer l’action du gouvernement. L’exécutif a également le pouvoir d’initier des dissolutions administratives, comme vu avec l’association écologiste Les Soulèvements de la Terre, même si cela a été finalement rejeté par le Conseil d’Etat.
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