Le temple sacré de Gandan, situé à l’ouest d’Oulan-Bator, se distingue par ses toits colorés en vert et jaune. Il est le lieu central de la pratique religieuse en Mongolie, abritant une multitude de moines vêtus de rouge, des moulins à prière, et une gigantesque statue du Bouddha de la compassion. Une soirée particulière en 2016 a marqué le monastère ; neuf enfants avec leurs pères étaient présents dans une salle où deux clercs et un universitaire ont exposé des reliques sacrées et des objets personnels du défunt neuvième bogd, la plus haute figure religieuse du pays qui est décédé en 2012 à l’âge de 79 ans.
Parmi les enfants, un bambin d’un an et demi se démarqua en se jetant sans hésitation sur les effets personnels de l’ancien bogd. Le professeur Bataa Mishigish, qui dirigeait la réunion et est également le chef du département des études religieuses à l’Académie des Sciences de Mongolie, se souvient encore clairement de cet événement. Il a souligné l’étonnante façon dont le jeune garçon a pu identifier et choisir ces objets, une action que les autres enfants n’ont pas reproduite. Selon lui, à son âge, on ne peut pas dire à un enfant quoi faire.
La réaction du garçon a donc conduit à son identification comme la réincarnation du bogd, un statut de grande importance dans les traditions bouddhistes partagées par les Tibétains et les Mongols. Cette reconnaissance a marqué le début d’une existence chargeée en tensions géopolitiques, notamment dues à l’influence du puissant voisin chinois.
L’identification des personnalités clés du bouddhisme prévalent au Tibet et en Mongolie – le mouvement Gelugpa, aussi connu sous le nom d’ « Ecole des Bonnets Jaunes » – est un processus délicat. Le dalaï-lama, qui est sans doute le plus renommé de leurs représentants, a été jadis sélectionné selon le même rituel que celui du nourrisson d’Oulan-Bator. Depuis 1959, suite à son départ du Tibet envahi par la Chine, il vit en exil en Inde. Par ailleurs, le panchen-lama, qui représente la deuxième autorité cléricale la plus importante du Tibet, a disparu six jours après sa nomination en 1995, alors qu’il n’avait que six ans. Il n’a plus jamais été aperçu en public depuis. A l’époque, la Chine avait nommé un panchen-lama de son propre gré. Quant au dixième bogd, il a un jumeau et pour préserver le gamin élu, seule l’initiale de son prénom qui est identique à celle de son frère – A. Altannar- est divulguée par ses proches et les officiels religieux mongoles.
Suite à la célébre cérémonie de 2016, le dalaï-lama avait fait le déplacement en Mongolie pour confirmer l’ascension du jeune garçon. Ses commentaires de l’époque reflétaient le doute des parents : « Il n’est qu’un enfant, pas besoin de précipiter les annonces, insiste le leader spirituel Tibétain. Les choses se clarifieront dans quelques années. » Même si le nom de l’enfant reste inconnu, la visite du dalaï-lama irrita la Chine qui a durant des années combattu ce « loup en habits de moine ». En représailles, Pékin bloqua l’accès à la frontière avec la Mongolie pendant un certain nombre de jours, entravant des exportations de cuivre et de charbon vitales pour l’économie mongole tandis que les chauffeurs de camions devaient attendre dans le froid.
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