Il existe des délais précis dans lesquels l’administration fiscale est autorisée à « reprendre » et rectifier une déclaration erronée ou incomplète : six ans si une enquête complémentaire est requise pour comprendre la situation du contribuable, trois ans si toutes les informations nécessaires sont disponibles immédiatement (articles L. 186 et L. 180 du Livre des procédures fiscales).
Si ces délais sont dépassés, l’action de l’administration fiscale est caduque, comme l’illustre l’affaire suivante. L’administration fiscale reçoit le 1er août 2014, la déclaration de succession de M. X, disparu en février, ainsi que son testament. M. X, veuf et sans enfants, a nommé son frère comme héritier universel. Il a laissé à son aide-soignante, qu’il « considérait comme sa fille » et que sa femme « considérait comme si c’était sa propre famille », la somme de 310 000 euros, qui pourraient augmenter avec la vente du contenu de son appartement.
La déclaration de succession indique que M. X, âgé de 95 ans et résident dans une maison de retraite, a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) avec Mme Y, âgée de 60 ans, huit jours avant son décès. Par conséquent, Mme Y a le droit d’être exonérée des droits de mutation par décès, selon l’article 796-0 bis du code général des impôts.
Cependant, le 16 janvier 2018, l’administration fiscale lui demande 347 535 euros, qui comprend 60% de droits pour transmission entre non-parents (177 133 euros), des intérêts de retard (28 696 euros) et des pénalités pour « abus de droit » (141 706 euros).
Pas de vie commune.
Selon ses dires, le PACS était « fictif », besogne accomplie dans l’intention d' »éviter » ces droits, et non pas pour mettre en place une « vie commune », ceci requiert, selon le Code civil (515-4), « une résidence commune, une vie en couple », une notion précisément définie par le Conseil constitutionnel, le 9 novembre 1999 (99-419). Effectivement, l’administration souligne que leurs domiciles étaient séparés. Par conséquent, leur relation était « filiale », et non « romantique », ce qui élimine la possibilité d’une vie de couple.
Mme Y met sous les feux de la rampe la prescription: son droit de « reprise » n’est applicable que jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle de la déclaration, soit jusqu’au 31 décembre 2017, arguant que l’action a été menée seize jours trop tard. L’administration rétorque en indiquant qu’elle avait besoin d’une enquête approfondie pour déterminer le caractère fictif du PACS, justifiant ainsi un délai de six ans.
La justice a rejeté cet argument, en première instance et en appel: son testament et sa déclaration de succession lui permettaient déjà de prouver le caractère fictif du PACS, considérant leur différence d’âge, leurs adresses distinctes et la nature de leur relation. Les investigations supplémentaires n’ont fait que « confirmer » ces éléments, soutient l’avocat Me Géraud Mégret, qui représente Mme Y à la Cour de cassation. Le 29 mai, celle-ci a rejeté l’appel de l’administration (2024, 22-24.008) : Mme Y est donc autorisée à conserver son héritage.