Le label de « Lion de l’Afrique » a adhéré à l’Éthiopie pendant une longue période. Le pays était prévu pour évoluer en un colosse économique sur le continent, à l’instar du modèle de développement chinois, basé sur une industrialisation planifiée sous une administration despotique. Toutefois, une décennie plus tard, cette nation de 120 millions d’âmes – la deuxième plus peuplée d’Afrique – n’a pas réussi à décoller comme prévu.
Les anticipations de croissance, antérieurement proclamées à deux chiffres annonçant une montée irrésistible, apparaissent aujourd’hui modestes (6,1% en 2023, avec une augmentation démographique de 2,5% en 2022) en comparaison. Son modèle économique promis s’est peu à peu dissout dans des conflits dévastateurs tels que la guerre du Tigré (2020-2022) et des crises politiques incessantes. Cela a dégradé la perception de l’Éthiopie en tant que géant aux yeux des investisseurs étrangers et des alliés occidentaux.
Ironiquement, lorsqu’Addis-Abeba était sous la direction du régime marxiste-léniniste du premier ministre Meles Zenawi (1991-2012), Washington le considérait comme un allié crucial dans la Corne de l’Afrique – en raison de son engagement contre le terrorisme islamiste en Somalie. Malgré les espoirs générés par l’ascension au pouvoir d’Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix et adepte du libéralisme en 2018, les alliés occidentaux ont déserté ce pays qui a subi une fragmentation lors de la guerre du Tigré.
La guerre civile en Ethiopie, considérée comme l’une des plus brutales du 21ème siècle, a causé la mort de 600 000 personnes, selon l’Union africaine. Elle a également entraîné des dommages équivalent à 28 milliards de dollars ou 26,2 milliards d’euros. De plus, deux mouvements nationalistes ont semé le chaos dans les régions clés d’Oromia et Amhara, où les kidnappings sont devenus courants.
Malgré les prédictions économiques qui avaient placé l’Ethiopie sur la même trajectoire de développement que le Rwanda, le pays est aujourd’hui en proie à un déclin marqué. « En théorie, la forte population éthiopienne devrait assurer un futur industriel florissant », note Macharia Munene, professeur à l’Université USIU-Africa de Nairobi. « Cependant, les conflits internes, l’hostilité avec l’Erythrée voisine, et l’inefficacité administrative ont dissipé ce potentiel. »
Le parti Prosperity d’Abiy Ahmed n’a pas su inverser la tendance. Son programme de réformes libérales ambitieuses, destiné à mettre fin à l’hégémonie étatique de l’ancien régime autoritaire, n’a jamais été mis en œuvre. « L’Etat est plus omniprésent qu’auparavant », indique Benedikt Kamski, chercheur à l’Institut Arnold Bergstraesser. « Il persiste l’idée erronée que l’Ethiopie possède un potentiel économique immense, basé sur un grand marché alimenté par une population en croissance rapide. Cependant, le taux d’urbanisation demeure faible et le pouvoir d’achat reste bas et est concentré dans la capitale. »
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