Félicien Faury, un sociologue et politologue affilié au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, se concentre sur la droite radicale. Il a écrit « Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite » (Seuil, 240 pages, 21,50 euros), un livre soutenu par une étude de terrain qui s’est déroulé sur six ans (2016-2022), qui examine l’intégration électorale et partisane du Front national et ensuite du Rassemblement national (RN) dans une région du sud-est de la France.
Comment interprétez-vous l’action politique d’Emmanuel Macron qui a déclenché des élections parlementaires ?
Comme beaucoup l’ont précédemment mentionné, cette décision est basée sur l’intention d’établir une division entre un parti, Renaissance, perçu comme « central », et l’extrême droite, en supposant que la gauche sera faible ou divisée. Dans une situation où le président français est de plus en plus méfiant, ce clivage fait du RN le principal concurrent du macronisme. Ceci peut probablement expliquer pourquoi la dissolution était une demande explicite de Jordan Bardella et Marine Le Pen et pourquoi cet annonce a donné lieu à des exclamations de joie lors des soirées électorales du RN.
On pense souvent que les votants du RN sont très sensibles aux questions sociales, notamment au pouvoir d’achat, mais votre livre démontre l’importance du racisme dans leur décision de vote. Comment cette « répulsion pour les minorités ethnoraciales », comme vous l’appelez, se manifeste-t-elle?
Il est nécessaire de comprendre l’interconnexion entre deux phénomènes. Les enjeux sociaux comme le niveau de vie sont constamment liés à des sujets tels que l’immigration et la position des minorités ethniques dans la société française. Pour les partisans du RN, l’immigration ne se limite pas à un problème « identitaire », elle est aussi, et peut-être surtout, une véritable question socio-économique. Quand les immigrants sont systématiquement associés au chômage et aux aides sociales, l’immigration est indirectement reliée, par le biais des taxes et dépenses à payer, au sujet du niveau de vie. Ce que nous devons chercher à comprendre n’est donc pas ce qui est « le plus important » – les inquiétudes de classe ou le racisme – mais comment ces enjeux sont connectés.
Est-ce un racisme explicitement déclaré ou le racisme « subtil » qu’on utilise parfois pour décrire, par exemple, le racisme « systémique »?
Tout dépend, bien évidemment, des individus interrogés et du contexte de l’échange, mais il s’agit généralement d’affirmations assez définies et évidentes dans leur hostilité envers les minorités ethniques. C’était un point essentiel lors de la rédaction de mon livre : il était impératif de représenter le racisme présent dans beaucoup de discours, mais il fallait également faire attention à ne pas amplifier, par l’écriture, la brutalité des mots utilisés, en évitant un voyeurisme malsain. J’ai donc tenté de me limiter à ce qui était essentiel à l’analyse sociologique.
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