Vingt ans après avoir terminé leurs études médicales, deux amis se sont retrouvés. L’un est désormais ophtalmologue, l’autre urologue. Pendant leur conversation, ils ont partagé leurs expériences professionnelles respectives, et l’un d’eux a demandé à l’autre comment il gérait ses courriels. L’urologue a été surpris de constater que lui aussi se sentait débordé par le nombre de patients qui le contactaient par mail.
Il est étonnant de savoir que malgré leur habileté à effectuer des procédures médicales délicates, ces médecins peuvent se sentir submergés par la gestion de leur boîte de réception. Les interrogations de leurs patients sont diverses, allant de l’effet de l’huile d’olive sur une coloscopie, à une demande de certificat médical pour une course à pied, en passant par une évaluation de la situation d’une greffe au pouce pour éviter une visite à l’urgence.
Beaucoup de practiciens sont encore à la recherche d’une méthode efficace pour répondre à ces messages reçus en abondance. Doivent-ils y répondre après leur journée de travail, au risque de négliger leur vie privée ? Ou doivent-ils y répondre entre deux rendez-vous, en courant le risque de manquer des informations importantes ? Ou éventuellement, ne devraient-ils jamais répondre ?
La plupart des praticiens interrogés pour cette analyse relié l’explosion du volume de messages électroniques à la période post-Covid-19. Avant la mise en quarantaine, il était difficile de joindre son médecin par courrier électronique. Tout d’abord, vous deviez avoir ses coordonnées. Et s’il vous remettait sa carte de visite contenant son adresse e-mail, c’était généralement interprété comme une invitation à l’utiliser seulement en cas d’urgence vitale. « Covid-19 a accéléré l’utilisation des e-mails. Les assistants médicaux étaient absents. La crainte d’un suivi moins efficace a ouvert la voie à des moyens de communication alternatifs », se remémore Marie Msika Razon, médecin généraliste à Paris.
En l’espace de cinq ans, « nous sommes passés de « comment encourager les patients à communiquer avec les médecins par e-mail » à « ils l’utilisent excessivement ! » « , constate A. Jay Holmgren, professeur adjoint de médecine au Center for Clinical Informatics and Improvement Research de l’Université de Californie, qui mène des recherches sur le sujet depuis plusieurs années. Selon une étude qu’il a menée aux États-Unis en 2021 et publiée dans le Journal of the American Medical Informatics Association, le volume de messages électroniques des patients à leurs médecins a augmenté de 157 % entre début 2020 et fin 2021. En France, ni la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé, ni l’AP-HP ne disposent d’études sur le sujet.
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