Consultez tous nos articles, études et comptes rendus concernant le conflit ukrainien. Découvrez les comptes rendus, évaluations et éclairages du « Monde ». La Suisse organise une réunion pour « stimuler un futur mécanisme de paix » en Ukraine. Violences sexuelles en Ukraine : « Les délinquants prétendent souvent que c’est pour empêcher les victimes d’avoir davantage d’enfants ». Les nations du G7 se mettent d’accord pour augmenter le soutien à l’Ukraine à travers l’argent russe bloqué. Vadym Tcherni, militaire ukrainien : « Nous avons besoin de plus de militaires pour maintenir le front ». Bidzina Ivanichvili, le « pantin de Poutine » qui a renversé la Géorgie. Comment les Mirage 2000-5 promis par Emmanuel Macron peuvent-ils être bénéfiques à l’armée ukrainienne ? Les lettres d’Olga et Sasha : « C’est malheureux à dire, mais j’ai l’impression que l’Ukraine doit dépendre uniquement d’elle-même ». Nos réponses à vos interrogations les plus courantes. Comment Moscou et Kiev utilisent-ils des drones ?
Depuis quelques mois, le conflit des drones entre la Russie et l’Ukraine s’est intensifié comme jamais auparavant. D’après une étude, publiée en mai 2023 par un centre de réflexion Britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones mensuellement sur le terrain de combat, soit plus de 300 par jour. En comparaison, l’armée française ne possède que peu plus de 3 000 avions télécommandés dans ses arsenaux.
Les Ukrainiens et les Russes emploient principalement de petits UAV (unmanned aerial vehicle, en anglais) d’origine civile, économiques et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour surveiller le terrain de combat et pour diriger les troupes ou les tirs d’artillerie ; d’autres sont aussi trafiqués pour transporter de petites charges explosives, larguées par la suite sur des tranchées ou des blindés.
Les drones-kamikazes, bien qu’en moins grand nombre, ont un rôle crucial. Ces UAV équipés d’explosifs sont envoyés par-dessus la ligne de front sans cible préalablement désignée. La Russie utilise les drones russes Lancet-3 et les Shahed-136 fabriqués en Iran. Sans une véritable flotte de guerre, l’Ukraine défie son adversaire avec des navires sans pilote, des kayaks miniatures télécommandés et chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
La pertinence des drones dans leurs opérations a incité les Ukrainiens et les Russes à s’organiser afin d’assurer un approvisionnement continu à leurs troupes. Ils ont non seulement massivement acheté des drones civils sur le marché, mais ils ont aussi développé leur propre capacité de production. L’industrie nationale ukrainienne, qui a démarré timidement au début de la guerre du Donbass il y a une décennie, a depuis lors gagné en force. Fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé la réalisation d’un prototype du drone russe Lancet, qui sera bientôt lancé sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Limitée par les sanctions occidentales qui restreignent son approvisionnement en composantes électroniques, la Russie éprouve plus de difficultés. Cependant, selon les services de renseignement américains, Moscou aurait commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga afin de produire des drones-kamikazes iraniens, tels que les Shahed-136.
L’état actuel des stocks de missiles de l’armée russe reste incertain, voire impossible à déterminer. Les services de renseignement ukrainiens publient régulièrement des informations sur cette question, mais leurs évaluations sont souvent sujettes à caution.
Andri Ioussov, représentant de la direction du renseignement du département de la défense (GUR), mentionné par Liga.net, a fait une estimation des armements de la Russie avant la guerre. Il y avait environ 2 300 missiles balistiques ou de croisière avec plus de 900 restants au commencement de l’année. En addition à cela, il a ajouté qu’il y a une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée s’étendant jusqu’à 120 kilomètres, et un grand nombre de S-400, un modèle plus moderne avec trois fois plus de portée. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième en commandement du GUR, a évalué à 585 le nombre de missiles disposant d’une portée dépassant 500 kilomètres.
Au sujet des capacités de production, on s’attend à ce qu’elles augmentent à une centaine de missiles balistiques ou de croisière chaque mois, d’après plusieurs spécialistes. En octobre, la production était évaluée par le GUR à 115 modules.
De plus, la Russie aurait acheté des missiles de courte portée en Iran et en Corée du Nord, et continue à en acquérir. Reuters, en s’appuyant sur plusieurs sources iraniennes, a affirmé que 400 missiles iraniens de la série Fateh-110 (300 à 700 kilomètres) ont été envoyés à la Russie depuis janvier, quand un accord a été confirmé. On ne sait pas combien de missiles nord-coréens ont été achetés par la Russie, cependant, 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon l’analyse des débris et des trajectoires par des experts, il pourrait s’agir des KN-23 et KN-24 avec une portée d’environ 400 kilomètres.
Qu’en est-il des avions de combat F-16?
En réponse à une requête à long terme du président ukrainien, les États-Unis ont approuvé en août 2023 le transfert de F-16 à l’Ukraine. Bien qu’il y ait une potentielle flotte de plus de 300 F-16 dans neuf pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal, entre autres – tous les pays possédant ces avions ne sont pas en mesure de les transférer du jour au lendemain.
Volodymyr Zelensky a mentionné que 42 F-16 avaient été promis à Kiev par les alliés occidentaux, mais ce chiffre n’a pas été confirmé. Le Danemark a promis d’en donner 19. Les premiers six ne seront pas livrés avant la fin de 2023, suivis par 8 en 2024 et 5 en 2025, d’après la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont aussi promis de donner des avions, en ont 42 en leur possession, mais ils n’ont pas encore indiqué combien ils envisagent de transférer.
En outre, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour piloter ces avions de combat américains. Onze pays alliés de Kiev se sont engagés à former ces pilotes. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne seront prêts à utiliser les avions en combat qu’au début de 2024, tandis que d’autres experts pensent que ce ne sera pas avant l’été de cette même année.
Quelle est donc l’aide militaire que ses alliés fournissent à Kiev ?
Deux années se sont écoulées depuis l’intensification du conflit, et nous observons une diminution de l’appui occidental envers Kiev. Le dernier rapport de l’Institut Kiel, paru en fédévrier 2024, indique une baisse des nouveaux engagements d’aide entre août 2023 et janvier 2024, comparée à la même période l’année précédente. Il est possible que cette tendance se maintienne, compte tenu des difficultés du Sénat américain pour approuver des aides et du blocage hongrois qui a entravé l’adoption d’une aide de 50 milliards d’euros par l’Union européenne le 1er février 2024. Il faut préciser que ces deux paquets d’aide ne sont pas encore intégrés au dernier bilan de l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
Les chiffres de l’institut allemand révèlent une réduction du nombre de donateurs qui se regroupent majoritairement autour de quelques pays, à savoir les États-Unis, l’Allemagne, et les nations nordiques et orientales de l’Europe. Ces pays s’engagent à fournir une aide financière conséquente ainsi que des armements sophistiqués. Depuis février 2022, l’engagement total des nations soutenant Kiev a atteint au minimum 276 milliards d’euros, que ce soit sur les plans militaire, financier ou humanitaire.
En termes absolus, les pays les plus fortunés se sont montrés les plus généreux. Les Etats-Unis sont de loin les premiers donateurs, ayant annoncé plus de 75 milliards d’euros d’aide, dont 46,3 milliards sont consacrés à l’aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont proposé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), soit un total de 158,1 milliards d’euros.
Lorsqu’on prend en compte le PIB de chaque pays donateur, la position des États-Unis passe à la vingtième place avec 0,32 % de leur PIB. Des nations entourant l’Ukraine ou des anciens États soviétiques semblent être plus généreux dans leurs contributions. Avec une donation représentant 3,55 % de son PIB, l’Estonie arrive en première place, puis le Danemark avec 2,41 % et la Norvège avec 1,72 %. La quatrième et cinquième place sont occupées par la Lituanie et la Lettonie respectivement, avec 1,54 % et 1,15 %. Les trois États baltes, tous voisins de Russie ou de son alliée la Biélorussie, font partie des plus grands donneurs depuis le début du conflit.
En ce qui concerne le pourcentage du PIB, la France se situe en 27e position avec un engagement représentant 0,07 % de son économie, juste derrière la Grèce (0,09 %). L’aide versée par la France a diminué de façon régulière depuis le début de l’agression russe en Ukraine – en avril 2023, la France était à la 24e place et à la 13e pendant l’été 2022.
En ce qui concerne les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, qu’est-ce qu’on sait ?
Depuis quelque temps déjà, l’Ukraine et la Pologne connaissent des tensions dans leurs relations, en grande partie à cause de l’import-export de céréales ukrainiennes. Au cours du printemps 2022, l’Union européenne (UE) avait instauré des « canaux de solidarité » afin d’encourager la vente et le transport de produits agricoles de l’Ukraine, exemptés de taxes douanières, vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Cependant, selon la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les questions agricoles mondiales, près de la moitié des céréales ukrainiennes passe ou finit son voyage dans l’UE. Ces céréales sont commercialisées à un prix bien inférieur à celui du blé produit au sein de l’UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.
Soutenant que ces céréales ukrainiennes déséquilibrent le marché local et impactent négativement les revenus de leurs agriculteurs, plusieurs pays dont la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont mis un embargo unilatéral sur leurs importations en avril 2023. Bruxelles avait accepté cet embargo à condition qu’il n’entrave pas le transit vers d’autres pays et qu’il se limite à une durée de quatre mois. Néanmoins, compte tenu du fait que le litige de fond n’avait pas été résolu, Varsovie a pris la décision de maintenir fermée sa frontière aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, malgré le fait que Bruxelles considérait l’embargo comme injustifié, estimant que ses analyses révélaient « l’absence de perturbations des marchés nationaux de céréales ».
Les agriculteurs de Pologne ont érigé un barrage à la frontière polono-ukrainienne pour stopper l’entrée des camions en provenance d’Ukraine. Ils manifestent et exigent un « embargo total » sur tous les biens alimentaires et agricoles d’origine ukrainienne. Ils se plaignent principalement de l’augmentation drastique de leurs frais de fonctionnement tandis que leurs silos et magasins sont pleins à craquer et les prix sont dégringolés. Le chef d’Etat ukrainien, dès le début de 2024, a exprimé que l’isolement de la frontière polonaise était le signe de « l’affaiblissement de la solidarité » vers son pays et a sollicité à engager un dialogue avec la Pologne. « Seul Moscou se félicite » de ces désaccords, a-t-il également confirmé, critiquant « l’émergence de slogans clairement favorables à Poutine ».
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