Dans le monde de l’art moderne, il est rare que le talent soit transmis de génération en génération. Même les plus imaginatifs des descendants semblent réticents à empiéter sur le territoire de leurs prédécesseurs. Par exemple, Paloma Picasso a délibérément choisi de faire carrière dans la mode plutôt que de prendre le pinceau comme son père, Pablo Picasso. Pierre Matisse, fils d’Henri Matisse, a réussi à se faire un nom en tant que galeriste, ayant scrupuleusement mis un océan entre lui et son père en délocalisant à New York en 1924. Jean Renoir estimait que la peinture était l’art ultime, mais il a trouvé plus judicieux de s’établir dans le monde du cinéma que de suivre les traces impressionnistes de son père Auguste.
Cependant, Seffa Klein, âgée de 28 ans, ne s’est pas laissée intimider par le poids de son héritage artistique. Elle s’est définie comme artiste dès son plus jeune âge, suivant les pas de son grand-père, Yves Klein, un artiste de renom spécialisé dans l’immatériel et le monochrome, qui a succombé à une crise cardiaque à 34 ans en 1962. Lui-même est le produit d’un couple d’artistes : Marie Raymond, une des rares femmes peintres post-Seconde Guerre mondiale exposée aux côtés de Pierre Soulages et de Hans Hartung, et Fred Klein, un peintre néerlandais d’origine javanaise spécialisé dans les chevaux et proche de Piet Mondrian. Suivant cette tradition, Yves Klein a lui aussi épousé une artiste, Rotraut Uecker, une peintre de 85 ans spécialisée dans les représentations du cosmos et de l’horizon. Elle est la sœur de Günther Uecker, une figure célèbre de l’avant-garde allemande de 94 ans dont les panneaux blancs cloutés sont présentés au Centre Pompidou à Paris et au MoMA à New York.
Face à ces piliers importants de l’historie de l’art, la jeune Seffa aurait pu chercher à exprimer son unicité, à souligner sa distinction. Elle aurait pu craindre qu’on la considère simplement comme une enfant de la célébrité, ces progénitures de renommés qu’on accuse souvent de réussir sans posséder un talent spécifique. « Être la petite-fille d’Yves Klein est une simple réalité », dit-elle sereinement, le 13 mai, à Paris. Sans peur de la comparaison, Seffa Klein a invité sa célèbre famille à prendre part à l’exposition (intitulée « Une constellation familiale ») qui lui est dédiée jusqu’au 13 juillet à la galerie Poggi, à Paris. Trois œuvres d’Yves Klein, un montage clouté de Günther Uecker, deux paysages cosmiques de Rotraut Klein-Moquay, ainsi qu’un tableau parsemé de symboles de Marie Raymond sont présents, accompagnant ses propres peintures, denses précipités alchimiques composés de fleurs, de verre tissé et de bismuth, un métal cristallin.
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