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Texte original : / »« Jeu du hasard », « jeu risqué », « gageure » : depuis l’annonce inattendue de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les commentaires politiques sont dominés par des expressions incertaines et déconcertantes. La presse étrangère, confondue, s’interroge même sur la santé mentale du président français, allant jusqu’à se demander s’il n’est pas devenu dérangé. Cependant, il n’est pas pertinent de spéculer sur son état mental : en politique, les analyses psychologiques sont souvent révélatrices d’un manque de compréhension des événements. Par contre, il me semble essentiel de ne pas négliger l’aspect psychologique de la situation politique actuelle.
Commençons par la dissolution elle-même. À en juger par ses conséquences – un état de stupeur comparable à celui généré par l’annonce du confinement -, il serait incorrect d’analyser la situation uniquement sous un angle politique. À y penser profondément, le président de la République a accompli ce qui pourrait être qualifié de « prise de pouvoir psychique ». Cette phrase ne se réfère pas à la légalité du geste : la décision relève du pouvoir du président de la République, comme stipulé par l’article 12 de la Constitution.
C’est au niveau symbolique que ce terme prend tout son sens : une prise de pouvoir psychique est un mouvement politique si déstabilisant qu’il est capable de provoquer une forme de paralysie mentale. Tout d’abord en suscitant un intense sentiment d’irréalité : l’événement s’est-il réellement produit, ou suis-je en train de le rêver ? Quel événement m’a échappé pour que je me retrouve perdu au milieu d’un film que je ne comprends pas ? »/
Tout en coïncidant, cette absence de réalité entre en collision avec des issues excessivement tangibles – et c’est cette collision des opposés qui génère une telle désorientation. C’est parce que la dissolution a toutes les caractéristiques d’un acte performant, une catégorie de discours, devenu si inhabituelle en politique, qui provoque des résultats tangibles : dès qu’il est articulé, il motive la gestion d’une campagne qui, premièrement, fonctionne sous le signe de l’urgence. Une urgence temporaire, avec une campagne d’une durée de près de vingt jours, et une urgence politique, avec la perspective d’un possible accès de l’extrême droite au pouvoir. Comme le résumait François Ruffin, l’ex-député de la Somme de LFI, à l’antenne de France Inter : « Nous pensions disposer de trois ans pour proposer une solution pour le pays. Finalement, nous disposons de trois semaines ». Beaucoup s’allongeraient pour moins que cela…
Tectonique des plaques
Parmi les plus touchés par ce coup psychique, nous trouvons principalement les hauts commandements des divers partis politiques. Épuisés par une campagne électorale pénible, celle de l’Europe, ils sont maintenant contraints de retourner immédiatement au travail. Les vacances d’été sont oubliées, sans mentionner la récupération de leurs heures de sommeil perdues : dans les semaines à venir, l’intensité promet d’augmenter de manière exponentielle.
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