La maladie d’Alzheimer, qui affecte près d’un million de personnes en France, est caractérisée par l’accumulation de dépôts de protéines amyloïdes dans le cerveau et de protéines tau à l’intérieur même des neurones, ce qui en fait les principales cibles pour le traitement. Dans l’édition du 14 juin de la revue Molecular Psychiatry, une équipe de recherche française explique comment ils ont pu, chez la souris, partiellement arrêter ce processus en tirant parti d’une découverte faite en 2012 par une équipe en Islande.
En examinant le génome complet de 1 795 Islandais, Thorlakur Jonsson (de DECODE genetics à Reykjavik) et son équipe avaient identifié une mutation spécifique chez certains résidents de l’île, qui offrait une protection contre cette maladie neurodégénérative et aussi contre le déclin neurocognitif normal. Cette mutation, appelée « A673T », trouvée chez moins de 1 % de la population scandinave, se situe sur un gène qui code pour une protéine précurseur de l’amyloïde (APP en anglais).
La maladie d’Alzheimer est parfois examinée sous l’angle des maladies à prions, où une protéine avec une structure anormale provoque graduellement cette même structure tridimensionnelle et finit par former des agrégats nuisibles. Marc Dhenain (CNRS, CEA), du Laboratoire des maladies neurodégénératives à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), travaille sur cette hypothèse des « pseudo-prions », avec l’idée que certaines APP déclenchent ce mécanisme d’effet domino. « Certaines souches, comme celle d’Osaka, sont très toxiques, indique le chercheur. Nous supposons que d’autres, comme la souche islandaise, pourraient avoir un effet protecteur.»
L’hypothèse de la cascade amyloïde se poursuit.
Pour démontrer leur point de vue, les chercheurs et leurs équipes ont administré un peptide, une molécule dérivée de l’APP, contenant la célèbre mutation A673T, dans l’hippocampe de souris génétiquement modifiées afin de reproduire la maladie d’Alzheimer. L’hippocampe, un petit organe du cerveau fortement lié à la mémoire, a été le site d’injection. « L’impact sur l’accumulation d’amyloïdes a été contrasté, mais nous avons remarqué une atténuation de l’inflammation, de l’accumulation de protéines tau, des dommages aux connexions neuronales – les synapses – et des troubles cognitifs », résume Marc Dhenain. La mémoire, en particulier, semblait être protégée. D’après leurs découvertes, une injection unique a produit ces résultats pendant quatre mois, « mais nous avons désormais remarqué que cet effet se prolonge jusqu’à neuf mois, ce qui est plutôt stupéfiant ».
Quelle est la meilleure façon de transférer ces résultats aux êtres humains ? Jacques Tremblay, basé à l’Université Laval au Québec, explorait déjà une thérapie génique qui utilisait les ciseaux moléculaires du type Crispr-Cas9 pour introduire la mutation bénéfique islandaise directement dans le génome des neurones. « Cette nouvelle recherche significative me motive à poursuivre dans cette direction », dit-il, exprimant sa « surprise » devant la durée de l’effet bénéfique causé par une seule injection de peptides.
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