Après un procès qui a couvert une période de dix-sept ans, la grande entreprise américaine de fruits, Chiquita Brands, a été reconnue coupable par un tribunal fédéral de Floride, États-Unis, le lundi 10 juin. Elle a été jugée responsable de la mort de huit Colombiens qui ont été tués dans leur pays par des groupes paramilitaires d’extrême droite. En conséquence, Chiquita Brands a été condamnée à verser 38,3 millions de dollars en dédommagement aux familles des victimes.
Chiquita Brands avait établi son entreprise de bananes dans la région d’Uraba, dans le nord de la Colombie, où elle avait financé les forces armées d’autodéfense de Colombie (AUC), une milice d’extrême droite sur la liste des organisations terroristes des États-Unis depuis 2001.
Les jurés de Floride ont établi que la responsabilité de ces huit morts tragiques retenus dans cette première décision. Ce jugement est néanmoins le premier d’une longue liste, avec plus de six mille autres victimes espérant recevoir une réparation.
La décision prise par les jurés de Palm Beach est considérée comme historique par les défenseurs des droits de l’homme. EarthRights International, l’une des organisations qui représentait les plaignants, souligne dans son communiqué qu’il s’agit de la première fois qu’une entreprise américaine est reconnue responsable de violations des droits de l’homme commises à l’étranger. Marissa Vahlsing, directrice de stratégie internationale à EarthRights International, note que cette décision adresse un message puissant aux entreprises privées à travers le monde.
La décision est d’autant plus significative que Chiquita Brands est l’héritière de la United Fruit Company, une entreprise célèbre pour son influence sur l’économie et la politique de certains pays de la région, au point que ces derniers ont été qualifiés de « républiques bananières ». En 1928, la United Fruit Company avait appelé l’armée colombienne pour mater une grève sur ses plantations, un événement qui est resté tristement connu sous le nom de « massacre des bananières ».
Dès la fin des années 1990, Chiquita Brands, une entreprise moderne, s’est retrouvée sous le feu des soupçons. La Colombie était alors en proie à un conflit armé d’horreur inégalée, où les AUC commettaient des exactions telles que les massacres, la torture, les séquestrations et les menaces sous couvert de combattre les guérillas marxistes. Ce chaos a résulté en l’assassinat de centaines de syndicalistes et forcé des milliers de paysans à quitter leurs terres. En 2007, la justice américaine a débuté une enquête sur les actions de la compagnie.
Face à ces accusations, Chiquita plaide coupable et admet avoir payé 1,7 million de dollars aux AUC entre 1997 et 2004, affirmant que l’argent était utilisé pour garantir la sécurité de ses travailleurs et de ses infrastructures. Pour cette contribution financière à une organisation terroriste, la compagnie est condamnée à payer une amende de 25 millions de dollars qui va dans le trésor public américain, et non aux victimes colombiennes. Suite à cela, aidées par des organisations locales des droits de l’homme, plusieurs milliers de ces victimes décident de porter leur cas devant la justice américaine. Selon Mme Vahlsing, contrairement à d’autres entreprises qui ont choisi de négocier un accord avec leurs victimes avant un jugement possible, Chiquita a épuisé toutes les ressources juridiques possibles pour éviter une condamnation.
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