Est-ce que le rejet de l’immigration était le principal message exprimé par les électeurs français lorsqu’ils ont voté en faveur du Rassemblement national (RN) ? Le RN a mené sa campagne sur l’idée de « double frontière », l’engagement de refouler systématiquement les embarcations de migrants, la capacité de gérer l’asile à distance et le concept que la France sert de tiroir-caisse pour les non-nationaux. Un sondage Ipsos effectué à la sortie des urnes indique que près de la moitié des électeurs (43%) ont affirmé que le thème de l’immigration était un facteur clé dans leur décision de vote lors des élections européennes du dimanche 9 juin, où 31,4% des votes ont été en faveur du RN. Dans la liste des seize sujets présentés aux participants du sondage, l’immigration était en deuxième position, juste derrière le coût de la vie (45%) et avant la protection de l’environnement (27%). Selon Ipsos, ces chiffres marquent un changement significatif par rapport aux élections européennes de 2019, où le coût de la vie (38%), la protection de l’environnement (38%), la position de la France sur la scène mondiale (32%) et l’immigration (32%) étaient presque à égalité.
Une forte concentration sur le thème de l’immigration est notable chez les électeurs de droite et d’extrême droite, avec 79% des électeurs de Jordan Bardella et 57% des électeurs de François-Xavier Bellamy mettant l’immigration en première position, tandis que seulement 13% des électeurs du Parti socialiste-Place publique, soutenant Raphaël Glucksmann, ont fait de l’immigration une priorité. Emmanuel Rivière, analyste politique et directeur associé de l’agence Grand Public, observe que « les électeurs allant de la droite à l’extrême droite adoptent une position anti-immigration, tandis que pour les électeurs de gauche, le sujet est secondaire ».
L’attitude opposée à l’immigration s’est particulièrement manifestée le 9 juin, le thème étant plus pertinant au niveau européen qu’au niveau national. Comme le démontre l’étude Eurobaromètre du printemps, les Français sont préoccupés par cette question. 19% d’entre eux ont identifié l’immigration comme l’un des deux problèmes majeurs auxquels l’Union européenne est confrontée, précédé par la guerre en Ukraine (30%) et le coût de la vie (23%).
De plus, l’augmentation du vote pour le RN met en évidence le succès de leur tentative de normaliser leur parti d’extrême droite auprès d’un éventail plus large d’électeurs. Comme l’indique Vincent Tiberj, un sociologue et politologue à Science Po Bordeaux, la xénophobie est devenue une motivation légitime pour certains votants qui n’étaient pas préoccupés par cette question auparavant. C’est le fruit d’un processus commencé dans les années 80 avec le Front national, qui s’est intensifié depuis. Avec l’élection de Nicolas Sarkozy et sa campagne présidentielle, l’immigration et l’Islam ont été inclus dans les discussions légitimes. Depuis les années 2010, un écosystème anti-immigrés s’est créé, largement répandu dans certains médias et par certains intellectuels.
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