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13 juin 2024 3 h 12 min

« Douleurs invisibles des jeunes travailleuses du service »

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Quand on demande à Amel Medjahed, 22 ans, d’évoquer son expérience dans le secteur du prêt-à-porter, elle utilise immédiatement les termes « années très éprouvantes ». Comme elle l’explique, bien que cette réalité puisse ne pas être immédiatement perceptible, travailler comme vendeuse, métier qu’elle a commencé à exercer pendant son bac professionnel en commerce à l’âge de 15 ans, implique de la manutention toute la journée. Cela va de transporter de lourdes caisses de vêtements, à déballer, placer en rayon, parfois à de grandes hauteurs, à ramasser, plier et encaisser, tout cela debout.

Après avoir travaillé dans une variété d’enseignes, allant de la lingerie aux boutiques haut de gamme, Amel rentrait chez elle tous les soirs avec de graves douleurs aux jambes dues à une station debout prolongée. Avant même d’avoir 20 ans, elle a commencé à avoir mal dans les bras, les épaules, et les côtes, des douleurs qui ont finalement persisté. Son environnement de travail, qui ne disposait pas de fenêtres et donc de lumière naturelle, a perturbé son rythme biologique et a progressivement impacté sa vision.

Dans le secteur du prêt-à-porter, où 88% des vendeurs sont des femmes, les difficultés de cette profession sont souvent sous-estimées, déclare Amel. Certaines personnes peuvent penser que c’est une profession facile, voire simple, mais elles devraient expérimenter le fait de porter des colis pesant quatre fois leur poids pendant des heures, insiste-t-elle. Exténuée, Amel a récemment quitté le secteur du prêt-à-porter pour s’orienter vers l’optique.

De nombreux domaines de travail dominés par les femmes, comme la vente, la coiffure, l’esthétique et le secteur hôtelier, exposent souvent les employées jeunes aux risques physiques, bien qu’elles soient invisibles. La sociologue Fanny Renard, lors d’une étude sur les apprentis en mécanique automobile et coiffure, a relevé une pénibilité égale dans ces deux métiers. En coiffure, notamment, les travailleurs risquent des troubles musculo-squelettiques dus aux positions des bras et aux mouvements répétitifs, ainsi qu’à l’exposition quotidienne à des produits chimiques.

Les conditions précaires

Tifanny (qui préfère garder l’anonymat), aujourd’hui âgée de 31 ans, a souffert de tendinites récurrentes dès les premiers stades de sa carrière de coiffeuse. En travaillant dans un salon bon marché dans le Nord où elle a suivi une formation CAP puis BTS, elle a dû effectuer des shampooings, des coupes de cheveux et des brushings en série, gardant constamment les coudes en l’air pour tenir le sèche-cheveux et les ciseaux. Elle n’a pas toujours eu suffisamment de temps pour se positionner correctement ou se reposer, en effectuant « beaucoup d’heures supplémentaires ».
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