Ces derniers temps, la barrière entre la droite républicaine traditionnelle et l’extrême droite ne semblait être maintenue que par quelques éléments fragiles. Le 11 juin, Eric Ciotti, président du parti Les Républicains (LR), a finalement franchi le pas en affirmant sur TF1 son désir d’une « alliance avec le Rassemblement national » et en souhaitant que « tous les députés LR sortants s’allient » à ce parti dans l’espoir de maintenir un groupe puissant à l’Assemblée nationale.
Il n’est certes pas rare qu’un élu de droite en difficulté dans sa circonscription tente de sauvegarder sa position en renonçant à ses principes et convictions affichées. Cependant, le député des Alpes-Maritimes n’est pas un élu ordinaire. Il représente une continuité du parti gaulliste, dont tous les anciens présidents se sont efforcés de conserver une distance avec le Rassemblement national (RN) en raison de sa doctrine fondée sur la préférence nationale, le rejet de l’étranger, menaçant ainsi le principe de fraternité.
Dans le climat actuel de rancœur et de tensions, cette transgression est perçue comme une capitulation dangereuse. » L’extrémisme est un poison », a mis en garde Jacques Chirac en quittant l’Elysée, se souvenant du choc de l’élection présidentielle du 21 avril 2002, où Jean-Marie Le Pen s’était qualifié pour le second tour.
La portion congrue.
La divulgation inattendue d’Eric Ciotti a donné à Marine Le Pen l’opportunité qu’elle attendait pour démanteler le parti républicain LR, soumettre une partie de ses membres et annoter la fin du puissant parti de la droite républicaine. Bien sûr, une multitude de dirigeants de LR ont exprimé leur réprobation, y compris le président du Sénat, Gérard Larcher, le président du groupe sénatorial LR, Bruno Retailleau, l’ancien commissaire européen Michel Barnier, et le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez.
Cependant, cette opposition n’a pas suffi à destituer le président du LR de son poste, lui permettant de perpétuer ses méfaits. La situation est devenue si critique que Xavier Bertrand, dirigeant de la région Hauts-de-France, en désaccord complet avec toute forme d’alliance, a demandé un vote parmi les militants pour essayer de clarifier les choses.
L’infâme action du 11 juin n’était pas inévitable. Rendue insignifiante depuis 2017, la droite républicaine a eu l’opportunité ces deux dernières années de se renforcer ; en effet, Emmanuel Macron, étant en situation de majorité relative, nécessitait sa collaboration pour promouvoir la réforme des retraites, la loi sur l’immigration et les politiques d’économies budgétaires. Elle a cependant refusé de prendre le rôle de pivot, ou même de partenaire, entravée par ses divisions internes, son opposition féroce à Macron et l’évolution progressive de sa doctrine : depuis 2010, ses responsables – Nicolas Sarkozy, François Fillon, Laurent Wauquiez, Eric Ciotti – ont surestimé l’importance des questions d’immigration, de sécurité et d’identité nationale, qui sont utilisées comme combustible par le RN. Plus récemment, les vues européennes et la politique économique du LR sont devenues de plus en plus floues, aggravant encore sa vulnérabilité.
Si cette séparation se matérialise prochainement, cette situation aura un impact significatif sur le contexte politique. Malgré leurs différences, cela pourrait offrir à la gauche un puissant moyen de rassemblement et d’action. Pris dans un étau entre deux factions, le centre pourrait se rétrécir s’il ne trouve pas une solution adéquate. En libérant les forces obscures de la droite, la dissolution de l’Assemblée nationale a déclenché une guerre dont on ne comprend pas encore tous les défis.
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