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« Restauration du fleuve sacré Klamath en Californie »

Avant de débuter leur échange, Ron Reed se positionne sur un pont à Somes Bar, un site spirituellement important pour la tribu Karuk. Il suggère que l’on s’imprègne de l’ambiance du fleuve. Un héron bleu plane dans les cieux, mais il n’est pas permis de le pointer du doigt en vertu des coutumes autochtones, pas plus que de capturer en image l’espace sacré où les rituels traditionnels se déroulent. Le fleuve Klamath est vénéré, ainsi que le saumon, qui a soutenu la vie des premiers habitants jusqu’à ce que l’ère moderne envisage d’ériger des barrages pour alimenter les nouveaux résidents du mont Shasta dans le nord de la Californie.

S’étendant sur 420 kilomètres, le Klamath prend ses sources dans l’ensemble volcanique des Cascades en Oregon, avant de se jeter dans le Pacifique, à 500 kilomètres au nord de San Francisco. Le barrage initial a été érigé en 1912, baptisé Copco du nom de l’entreprise, la California Oregon Power Company. Trois autres ont suivi : Copco 2, J.C. Boyle (niché en Oregon et portant le nom de son concepteur), puis le dernier, Iron Gate, érigé en 1962. Depuis le début de l’année, une démolition progressive des quatre centrales hydro-électriques est en cours. Les réservoirs sont déjà asséchés et les installations doivent être détruites avant les premières neiges.

L’initiative a été applaudie par les défenseurs de l’environnement dans tout le pays. Il s’agit du plus grand projet de déconstruction de barrages jamais réalisé aux Etats-Unis, un effort sans précédent pour restaurer un cours d’eau. C’est aussi la conclusion d’un conflit de plus de deux décennies dans le bassin de la Klamath, qui opposait les éleveurs, les propriétaires fonciers, les professionnels du tourisme et les « communautés du saumon », les tribus autochtones dont le destin a décliné en parallèle avec celui de la rivière. Et cette fois, les indigènes ont triomphé.

« La lutte entre agriculture et poissons »
Le terme même de « victoire » fait verser des larmes à Kenneth Brink, le vice-président de la tribu Karuk, l’une des cinq nations indigènes présentes le long de la rivière (Yurok, Karuk, Hoopa, Shasta et Klamath). Pendant des années, les barrages ont bloqué les saumons, les truites arc-en-ciel et les lamproies du Pacifique, les empêchant d’atteindre les eaux froides des tributaires de la Klamath. Ils ont également favorisé l’augmentation d’une algue toxique (cyanobactérie) qui laisse des résidus bleu-vert dans les filets au lieu des poissons. Pour ces tribus, leur destruction est un signe de renaissance, un moyen de venger les torts du passé. « Nous sauvons non seulement le poisson, mais aussi les hommes », explique Kenneth Brink. « Lorsque les saumons disparaissent, notre culture, notre mode de vie et notre identité s’évanouissent avec eux. »

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