Comment doit-on réagir ? Que doit-on communiquer ou éviter de communiquer ? Ce sont les interrogations courantes dans les situations compliquées avec lesquelles le personnel soignant en pédiatrie est constamment confronté, surtout depuis qu’ils sont submergés par l’arrivée d’une multitude de jeunes adolescents – majoritairement des filles – en souffrance mentale intense, fréquemment suite à une tentative de suicide, explique Catherine (qui a choisi de garder son identité privée), une infirmière à l’hôpital Antoine-Béclère (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), à Clamart (Hauts-de-Seine).
Sur le quatrième niveau de cette gigantesque structure hospitalière, dix-sept lits de pédiatrie générale sont à présent principalement occupés de manière continue par des adolescents en crise émotionnelle. Une totale de vingt lits supplémentaires accueillent les patients plus jeunes dans le reste du bâtiment. Catherine, qui pratique dans cet établissement depuis vingt ans, évoque une période « avant » et « après » Covid-19, même si elle admet avoir du mal à déterminer précisément quand cette « vague » a commencé. Elle mentionne également que le nombre d’adolescents à Antoine-Béclère a augmenté « plus tôt ». C’est un phénomène auquel de nombreux départements de pédiatrie sont désormais confrontés, en raison du manque de places en pédopsychiatrie.
Les acronymes tels que « IMV » pour « intoxication médicamenteuse volontaire » et « IS » pour « idées suicidaires » sont les signes clairs de problèmes de santé mentale parmi les quinze patients hospitalisés en cette journée pluvieuse de mai. Ces problèmes ont conduit à l’hospitalisation de sept adolescents, dont six sont des filles et un seul garçon. En majorité âgés de 14 ans, un seul adolescent a 15 ans tandis que deux sont âgés de seulement 12 ans. Certains ont déjà tenté plusieurs fois de mettre fin à leurs jours tandis que d’autres ont été admis à l’hôpital avant de passer à l’acte, dès l’apparition de pensées sombres.
Cette situation est une grande source d’inquiétude pour l’équipe de pédiatrie. Catherine explique que traiter des adolescents qui constituent un danger pour eux-mêmes ou pour les autres est très choquant, étant donné qu’ils ont choisi de soigner des enfants et non de les contenir. Ils sont constamment dans un état de vigilance extrême en raison des situations à risques permanentes.
Ils ont des souvenirs marquants de crises auxquelles ils ont été confrontés à plusieurs reprises, notamment quand une dizaine de soignants ont dû contenir une jeune fille. Ou encore lorsqu’un matin, alors qu’ils étaient en pleine crise après qu’une jeune fille ait admis avoir caché son traitement pendant des jours et l’ait ingéré d’un seul coup, une autre s’est enfermée dans la salle de bains et a noué une corde si serrée autour de son cou qu’il a fallu de longues secondes interminables pour la sauver.
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