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11 juin 2024 8 h 06 min

« Tronchet, auteur BD: ‘L’enfant, meurtrier successif' »

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Utilisant les mots d’un enfant, Antoine, âgé de 4 ans, pourrait avoir abordé l’un des mystères les plus profonds de l’univers avec une simple question : « Est-ce qu’on est mort parce qu’on a célébré tous nos anniversaires ? » L’idée qu’une vérité métaphysique absolue pourrait émerger des paroles d’un enfant est intrigante, illustrée lorsque le jeune philosophant confesse à son père : « Parfois, on fait simplement ce qu’on veut dans la vie ». Face aux reproches injustes de son père concernant ses habitudes désordonnées, il rétorque simplement : « Mais papa, je suis un enfant. »

Cela soulève l’idée que les parents devraient peut-être conserver ces précieuses perles de sagesse philosophique qui émergent au fur et à mesure que leurs enfants grandissent. Néanmoins, le débat existe sur le fait que ces mots, une fois notés, risquent de perdre leur essence même de beauté et de spontanéité. Tronchet, cependant, a décidé de prendre le contre-pied. Après avoir travaillé comme journaliste, il est devenu un scribe méticuleux des premières années d’Antoine.

Il en a produit deux livres, « Journal intime d’un bébé formidable » et « Ton père, ce héros » (Flammarion, 2005 et 2006), avec ce dernier maintenant réadapté en bande dessinée. Aujourd’hui, tout en ayant 65 ans, Tronchet remarie les souvenirs de son fils Antoine, qui est maintenant âgé de 25 ans, sans crainte d’aborder le sujet délicat que sont ces souvenirs paternels.

« Je suis un expert de la nostalgie », confie-t-il depuis les locaux de son éditeur, Delcourt, en plein cœur de Paris. Je suis capable de ressentir de la nostalgie pour un moment que je viens à peine de vivre. Au final, c’est une émotion très intellectuelle. La nostalgie raconte une histoire de ce qui vient d’arriver, en lissant et adoucissant l’expérience. Elle convertit une réalité crue en une séquence logique et cohérente. On pourrait dire qu’elle est une forme d’intelligence artificielle avant son temps ». Il n’a eu qu’un enfant et n’en aura probablement pas d’autre. Par conséquent, dans son livre publié en 2006, chaque chapitre représente une petite perte : Antoine à 4 ans, la « guerrier sauvage », a été irréversiblement supplanté par celui à 5 ans, qui « aime tout ». « Le développement, c’est la mort nécessaire d’un enfant à chaque stade, note Tronchet. L’enfant est un assassin qui se succède continuellement. Et l’adolescent, qui refuse d’admettre l’enfant qu’il était autrefois, les tue tous ».

Dans la version bande dessinée de Ton père, ce héros, Tronchet épargne au lecteur cette séparation tragique : toutes les histoires de l’enfance sont mélangées dans un joyeux désordre. Le drame est d’autant plus éloigné que l’auteur a maintenu le même dessin exagéré tout au long de sa carrière, et n’y a pas renoncé ici. Ses personnages, de Raymond Calbuth, un aventurier en peignoir douillet dont l’univers se limite à la salle à manger, à Jean-Claude Tergal, un célibataire endurci subissant les débâcles, sont tous trop stupides pour être vraisemblables. Comme la famille Poissart, des sans-abri vivant dans une caravane, aussi grotesques que généreux et optimistes, tandis que leurs voisins millionnaires se divertissent à leurs frais.

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