Ce live a été animé par Gabriel Coutagne et Anna Villechenon. Pour plus de détails sur la situation en Ukraine, consultez les reportages, analyses et articles du « Monde ». De récents graffitis sur la tour Eiffel, attribués à un groupe d’artistes ukrainiens, suscitent des interrogations. Des questions sont soulevées sur les discours haineux des propagandistes du Kremlin en ce qui concerne la guerre en Ukraine. Emmanuel Macron a augmenté son soutien à Kiev avec l’envoi de Mirage, une étape importante dans la guerre en Ukraine. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exprimé sa gratitude à la France pour son soutien alors que la France intensifie son assistance militaire, suscitant des critiques de l’opposition. La bataille de Kharkiv a franchi une « ligne rouge » qui semblait avoir été établie par les Européens et les Américains au début de la guerre. Vladimir Poutine menace de fournir des missiles à ceux qui sont hostiles à l’Occident dans le contexte de la guerre en Ukraine. Un rapport dénaonce l’acte de guerre environnementale qui a eu lieu un an après la destruction du barrage de Kakhovka. Les tensions montent en Ukraine, et beaucoup de questions sont posées. Les drones sont utilisés par Moscou et Kiev, avec une intensification de la guerre des drones entre les deux pays. Selon un rapport britannique, plus de 10 000 drones ukrainiens sont perdus chaque mois sur le champ de bataille, soit plus de 300 par jour. C’est bien plus que l’armée française qui compte un peu plus de 3 000 drones dans son arsenal.
Ukrainiens et Russes se tournent majoritairement vers l’utilisation de petits véhicules aériens sans pilote (UAV) civils, qui sont économiques et disponibles en grande quantité. Ces UAV sont employés pour la surveillance du champ de bataille et le guidage des forces militaires ou des attaques d’artillerie. Certains sont même modifiés pour transporter des charges explosives compactes, envisagées pour être déposées sur les tranchées ou des véhicules blindés.
Les drones suicides, bien que moins présents, jouent néanmoins un rôle crucial. Armés d’une charge explosive, ces UAV sont envoyés au-dessus de la ligne de front sans mission préalable. Moscou fait usage de drones russes Lancet-3 et des Shahed-136 de conception iranienne. L’Ukraine, ne disposant pas d’une flotte militaire adéquate, défie son adversaire avec des véhicules maritimes sans pilote – de petits kayaks téléguidés chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
Preuve de l’importance vitale des drones pour leurs opérations, tant les Ukrainiens que les Russes ont orchestré des dispositions pour approvisionner leurs troupes sur le long terme, pas seulement en achetant des UAV civils en quantité sur le marché, mais également en instaurant des capacités de production domestique. L’industrie nationale ukrainienne, qui balbutiait au début du conflit du Donbass, déclenché il y a une décennie, a depuis lors intensifié sa production. Finalement, en août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a déclaré qu’une réplique du drone russe Lancet avait été créée et serait prochainement lancée sous l’appellation Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Soumise aux sanctions de l’Occident qui entravent son acquisition de composants électroniques, la Russie rencontre des difficultés. Néanmoins, selon les agences de renseignement américaines, la Russie aurait commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga, pour y produire des drones kamikaze de fabrication iranienne, similaires aux Shahed-136.
Quelles sont les informations sur les réserves de missiles russes?
Il est extrêmement ardu, et même improbable, de déterminer le statut actuel des stocks de missiles de l’armée russe. Les services de renseignements ukrainiens fournissent régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs évaluations demeurent discutables.
Andri Ioussov, qui est le porte-parole de la direction du renseignement du Ministère de la Défense (GUR), indiqué par Liga.net, affirme que l’armée russe détenait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le conflit et qu’elle en possédait toujours plus de 900 en début d’année. Selon le porte-parole, ce total inclut une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300, qui ont une portée d’environ 120 kilomètres, et un important stock de S-400, une version plus récente avec une portée trois fois plus grande. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième du GUR, a mentionné le nombre de 585 missiles avec une portée supérieure à 500 kilomètres.
Concernant les capacités de production, elles seraient de l’ordre d’une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, selon plusieurs experts. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.
La Russie aurait semble-t-il obtenu des missiles de courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord, et continuerait sur cette lancée. L’Agence Reuters en rapportant les propos de plusieurs sources iraniennes, affirme que la Russie a reçu 400 missiles iranien de type Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) depuis janvier, période où un accord aurait été signé. Par ailleurs, bien que le nombre exact de missiles nord-coréens obtenus par la Russie reste inconnu, 24 ont été tirés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon Andriy Kostin, le procureur général. Après analyse des débris et trajectoires, des experts suggèrent qu’il pourrait s’agir des missiles KN-23 et KN-24 qui ont une portée d’environ 400 kilomètres.
Et quid des avions de combat F-16 ? Suite à une demande de longue date du président ukrainien, les Etats-Unis ont approuvé le transfert d’avions de combat F-16 à l’Ukraine en août 2023. Bien qu’il y ait potentiellement plus de 300 F-16 répartis dans neuf pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal – tous ces pays n’ont pas la capacité de céder ces avions instantanément.
Selon Volodymyr Zelensky, les alliés occidentaux auraient promis 42 F-16 à Kiev, mais cette information n’a pas pu être vérifiée. Le Danemark aurait promis d’en livrer 19. Six étaient prévus pour être livrés d’ici à la fin de 2023, huit supplémentaires suivraient en 2024 et les cinq derniers en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen . Les Pays-Bas, qui ont également promis des F-16, en possèdent 42, mais n’ont pas précisé combien ils comptaient en donner.
Il est requis que les pilotes ukrainiens subissent une formation préalable pour manipuler les avions de combat américains. Une dizaine de leurs alliés ont promis de s’occuper de la formation des pilotes. Selon l’OTAN, ce ne sera que début 2024 que les soldats ukrainiens seront en position de mettre ces avions en action lors des combats. Cependant, certains experts tablent sur l’été de la même année.
Quel type d’aide militaire les alliés fournissent-ils à Kiev ?
Suite à deux ans d’une guerre intensive, le niveau de soutien délivré à Kiev par l’Occident ralentit: les nouvelles aides allouées sont en déclin pendant la période s’étalant d’août 2023 jusqu’à janvier 2024, par comparaison aux mêmes mois de l’année précédente, conformément au dernier rapport de l’Institut Kiel, publié en février 2024. Il est fort probable que cette baisse continue, avec le Sénat américain lutant pour octroyer des aides, et l’Union européenne (UE) ayant rencontré des difficultés pour adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, à cause de l’obstruction hongroise. Rappelons toutefois que ces deux paquets d’aide n’ont pas encore été comptabilisés dans le dernier rapport de l’Institut Kiel, qui s’est arrêté à janvier 2024.
D’après l’institut allemand, le nombre de donateurs va à la baisse et est essentiellement centré sur quelques pays spécifiques: les États-Unis, l’Allemagne, et les pays du Nord et de l’Est de l’Europe, qui se sont engagés à offrir une aide financière significative et des armes sophistiquées. En somme, depuis février 2022, les pays qui ont décidé de supporter Kiev se sont engagés à un montant minimum de 276 milliards d’euros, que ce soit sur le plan militaire, financier, ou humanitaire.
En termes de valeur brute, les nations les plus aisées ont fait preuve de la plus grande générosité. Les États-Unis sont les principaux donateurs, ayant promis plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards en soutien militaire. Les pays de l’UE ont indiqué des assistances bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des fonds communs de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), cumulant à 158,1 milliards d’euros.
Cependant, lors de la mise en perspective de ces dons par rapport au produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le classement est différent. Les États-Unis se positionnent vingtièmes (0,32 % de leur PIB), bien après certains pays frontaliers de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques alliées. L’Estonie est en tête des aides adjusted au PIB avec 3,55 %, suivie par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Les trois États baltes, ayant des frontières communes avec la Russie ou son partenaire la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus prodigues depuis le début du conflit.
En ce qui concerne le pourcentage du PIB, la France est vingt-septième, ayant contribué avec 0,07 % de son PIB, légèrement derrière la Grèce (0,09 %). L’assistance fournie par Paris diminue continuellement depuis le début de l’offensive russe en Ukraine – la France était vingt-quatrième en avril 2023, et treizième à l’été 2022.
Qu’est-ce que nous savons sur les tensions à la frontière ukrainienne et polonaise ?
Les relations polono-ukrainiennes se sont compliquées depuis quelques mois, principalement à cause du transport de céréales en provenance d’Ukraine. En 2022, la Commission européenne avait introduit des « corridors de solidarité » pour favoriser l’expédition et la commercialisation, exemptes de taxes douanières, des produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Néanmoins, conformément à la Fondation Farm, une organisation réfléchissant sur les enjeux agroalimentaires mondiaux, environ la moitié des céréales ukrainiennes finissent ou transitent dans l’Union européenne (UE). Ces céréales sont moins chères que le blé cultivé dans l’UE, surtout dans les pays de l’Europe centrale.
La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie soutiennent que cette importation déstabilise leur marché local et affecte les revenus de leurs agriculteurs. Ces cinq nations avaient donc unilatéralement suspendu leurs importations en avril 2023 – un embargo que Bruxelles avait validé à deux conditions : il ne doit pas entraver le transit vers d’autres pays et doit être limité à quatre mois. Cependant, Varsovie a refusé de lever cette interdiction à la fin de l’été car elle estime que l’UE n’a pas résolu le problème fondamental, tandis que Bruxelles insiste que l’embargo n’est plus justifié car ses études indiquent qu’il n’existe désormais plus de déséquilibre sur les marchés nationaux de céréales.
Des protestations ont émergé parmi les agriculteurs polonais qui ont barricadé la frontière polono-ukrainienne afin de stopper l’influx de camions ukrainiens sur leur sol. Ces manifestants exigent un « blocus total » sur les biens agricoles et alimentaires venant d’Ukraine. Ils s’expriment contre l’augmentation de leurs frais de production à une époque où les silos et les dépôts sont pleins à craquer et les tarifs sont à leurs niveaux les plus bas. Le président d’Ukraine, au début de 2024, a déclaré que cette manifestation à la frontière polonaise est un signe de la « dislocation de la solidarité » pour son pays et a demandé des discussions avec la Pologne. Il a également déclaré que « seul Moscou se réjouit » de ces frictions, en critiquant « l’émergence de slogans ouvertement pro-Poutine ».