Au cours de l’hiver 1949, six semaines à peine après l’instauration de la République populaire de Chine, Mao Zedong prend le Transsibérien afin de solliciter l’aide de Staline dans la reconstruction de son nation. Alors au sommet de son influence, le « grand frère » soviétique le laisse patienter pendant deux mois dans une datcha dans la périphérie de Moscou avant de le rencontrer, déclenchant une coopération multidirectionnelle qui ne durera pas plus d’une décennie. Les temps ont changé et c’est désormais Xi Jinping qui pourrait garder Vladimir Poutine dans l’attente. Malgré le fait que le président chinois accueille chaleureusement le dirigeant du Kremlin, la balance du pouvoir s’est inversée.
L' »amitié illimitée » forgée entre les deux nations en 2022 rencontre des limites – celles de leurs intérêts mutuellement compris. Le terme n’est même plus populaire à Beijing. Une forme de vassalité, plus économique que politique, est en jeu.
Le président russe commence à en faire l’amère expérience : il est toujours dans l’attente de l’approbation de Xi Jinping pour investir dans la Force de Sibérie 2, le gazoduc qui doit transporter le gaz de la Sibérie occidentale vers la province du Xinjiang. Le pouvoir marchand est désormais entre les mains des Chinois. Ils exigent un prix nettement inférieur à celui des Européens, refusent de s’engager sur des volumes importants et insistent pour que le tube soit entièrement financé par Gazprom, selon le Financial Times.
Cela a pour effet d’affaiblir Gazprom.
Le manque flagrant d’Alexeï Miller, le chef incontesté de Gazprom, lors du dernier voyage de Poutine en Chine en mi-mai, a fait sensation, notant un affaiblissement du mastodonte public et de la Russie elle-même. Depuis les années 1970, issu du ministère soviétique du gaz, l’entreprise a assidûment établi son colossal réseau de pipelines à travers l’Europe. Cela a atteint son apogée avec les projets Nord Stream 1 et 2 sous la mer Baltique, représentant la French Glossary French Glossary dépendance énergétique de l’Europe avant leur démolition et fermeture.
En 2023, Gazprom n’a fourni à ses clients européens qu’un tiers de ses volumes habituels de 2022. Ces clients réguliers ont désormais opté pour des producteurs norvégiens, qatariens et américains, plus couteux mais plus fiables; pendant ce temps, le titan russe était incapable de faire des bénéfices du gaz naturel liquéfié coûteux vendu par son homologue privé Novatek. Il en résulte une perte de 6,4 milliards d’euros, la première en un quart de siècle.
Au sommet de sa gloire, Miller rêvait de diriger « le plus grand groupe de la planète, pas seulement dans le domaine de l’énergie ». Cependant, ce rêve s’est évaporé, et ses obstacles vont persister au moins jusqu’en 2035, révèle une étude présentée à ses dirigeants à la fin de 2023. Les auteurs de l’étude anticipent « une réduction du rôle de Gazprom dans l’industrie du gaz ».
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