Habituellement, Camille Labetoulle est plutôt silencieux. Dominique, son fils, se souvient : « Nous avons toujours assisté aux cérémonies commémoratives du massacre chaque année, mais mon père n’a jamais partagé les détails de ce qu’il avait vécu le 10 juin 1944 ». Il n’a pas non plus évoqué ce qu’il avait ressenti dans la période suivant l’horreur à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), engendrée par la division SS Das Reich. Ce jour-là, Camille Labetoulle, seulement âgé de neuf ans, avait manqué l’école. Il avait aidé son grand-père à labourer en l’absence de son père, détenu de guerre. « Il a porté une certaine culpabilité toute sa vie », ajoute son fils.
Cependant, le 26 mai 2024, lors d’un événement à la mairie du nouveau Oradour, l’homme de 89 ans, vêtu d’un costume bleu marine et appuyé sur une canne, a brisé son silence pour revenir sur ce jour tragique. Il évoque la destruction de son village et de son école, et le massacre de ses camarades de classe – « René, Fernand, Jean-Claude, Bernard, Marcel… » – qui ont été fusillés et brûlés dans l’église aux côtés des femmes et des enfants.
Après quatre-vingts ans, Camille Labetoulle n’a pas oublié un seul nom. Ses souvenirs sont nets et précis, à l’instar de ceux des huit autres survivants rassemblés à la mairie d’Oradour, entourés de leurs familles. Figuraient parmi les 643 victimes de massacre, 157 de leurs camarades. Tous ces octogénaires étaient élèves à Oradour en 1944, où il y avait quatre écoles distinctes : une pour les plus jeunes, une pour les filles, une pour les garçons et une pour les réfugiés de Lorraine.
Une partie méconnue de l’histoire d’Oradour, où une vingtaine d’écoliers ont miraculeusement échappé à la massacre, est finalement révélée dans le livre Je n’étais pas à l’école ce jour-là. Oradour, 10 juin 1944, publié par Les Ardents éditeurs. Pour la première fois, ces survivants partagent leurs expériences traumatisantes avec l’auteur de l’ouvrage, Franck Hyvernaud, qui a lui-même perdu des membres de sa famille lors de ce tragique événement. En dédicaceant les exemplaires du livre à ces rescapés lors d’une cérémonie, Franck Hyvernaud a également rendu hommage à ces précieux témoins.
Depuis sa naissance, Hyvernaud a été enveloppé par les souvenirs du drame d’Oradour, dont les histoires ont été transmises par son propre père, Jean-Jacques, connu pour avoir guidé les visiteurs à travers les vestiges du village pendant 30 ans, ainsi que par ses tantes, dont les récits il connaissait par coeur.
L’une des histoires révèle comment Adèle, 5 ans, et sa sœur Raymonde, 7 ans, ont réussi à échapper à la tragédie. Alors qu’Adèle était malade avec une angine, sa sœur a prétendu rendre visite à leur « cousine Hortense de Limoges » pour rester auprès d’elle. La survie de ces jeunes élèves est donc souvent attribuée à des évènements fortuits comme une bronchite, une convalescence à la suite d’une opération de végétations, un bras cassé, ou même une indigestion de cerises…
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