La controverse a trouvé son aboutissement là où elle a vu le jour une semaine auparavant : sur les médias sociaux. Pour l’édition 2025 du Salon de la poésie, est-ce que la Palestine sera le pays à l’honneur ? Telle était l’intention acclamée en 2022 par l’association responsable de l’évènement majeur de la poésie en France, C/i/r/c/é (Centre d’Information, de Recherche, de Création et d’Études littéraires, artistiques, scientifiques et techniques), en collaboration avec l’écrivain marocain Abdellatif Laâbi. Ce dernier avait, la même année, rédigé une Anthologie de la poésie palestinienne contemporaine (Points), qui s’était avérée déterminante pour la ligne programmatique.
Néanmoins, l’invitation a été différée « sine die » (sans indication de reprogrammation), a-t-on découvert le 1er juin, moins de trois semaines avant la 41e édition prévue du 19 au 23 juin, sur la Place Saint-Sulpice, à Paris. La décision a ensuite été renversée, comme l’a révélé le festival le 8 juin. Cela représentait une semaine d’indécision et de communications entravées entre les parties impliquées, durant laquelle la controverse n’a pas cessé de croître, aussi bien dans le domaine littéraire que plus largement. Des journaux tels que The Independent Arabia, Al-Modon ou Al-Arabi ont alimenté le débat au-delà des frontières, particulièrement dans le monde arabe.
« Une plateforme politique plutôt que poétique »
Abdellatif Laâbi avait reçu une lettre, partagée sur sa page Facebook le 1er juin, de la part d’Yves Boudier et de Vincent Gimeno-Pons, le président et le délégué général de l’association en question, lui informant du report indéfini de l’invitation de la Palestine. Selon eux, les circonstances actuelles tragiques ont rendu ce projet impossible à réaliser, car le Marché de la poésie pourrait devenir une plateforme politique plutôt que poétique, ce qui serait hors de leur contrôle. De plus, ils précisaient que le financement était incertain dans le contexte de guerre.
Cette lettre faisait suite à un message que M. Laâbi avait envoyé aux organisateurs quelques jours plus tôt, partageant l’évolution de sa sélection d’une dizaine de poètes palestiniens et proposant une réunion lors du prochain marché, afin de discuter de la situation. Cela a été à l’origine de sa « stupeur » exprimée dans sa publication. Comme il l’a dit au Monde le vendredi 7 juin: « Je n’aurais jamais imaginé une chose pareille ».
Principalement, les arguments de MM. Boudier et Gimeno-Pons n’étaient pas persuasifs pour lui. Le problème de financement? « Ils affirment qu’il en coûterait environ 40 000 euros pour l’invitation. Ce n’est pas un montant exorbitant. Une collecte de fonds pourrait facilement couvrir cela. Je suis convaincu que nous l’atteindrons rapidement. » Séparer la poésie de la politique? Inconcevable pour lui : «Le discours poétique est inévitablement influencé par les questions de dignité humaine, de justice, de liberté… Il est évident que c’est en tant que poète que l’on doit aborder ces sujets, pas en tant que militant. Mais c’est précisément la poésie palestinienne que je voulais faire venir, pas l’OLP ou le Hamas!» Il connait très bien les poètes qui auraient été invités. « Ce sont des individus qui affrontent la tragédie de leur peuple de manière admirable. Ils n’ont jamais tenu des discours haineux envers les juifs, par exemple. Ils représentent l’élite de la société palestinienne ».
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