Dans l’univers discret des cocktails, sa renommée perdure comme une légende. Frank Meier, un barman légendaire, a exercé au Ritz de 1921 jusqu’à son décès en 1947. Employé du prestigieux hôtel parisien, cet autrichien né dans le Tyrol brillait par son savoir-faire dans la fusion des boissons spiritueuses, sa compréhension ultime des alcools et son aptitude à les combiner en dosages sophistiqués.
Frank Meier, doté d’un goût raffiné, aimable et instruit, était distingué par sa moustache soignée et son blazer blanc impeccable. Il était la coqueluche de la haute classe. De Jean Cocteau à F. Scott Fitzgerald, en passant par Gabrielle Chanel à Ernest Hemingway, de nombreuses célébrités venaient à son bar pour savourer ses créations ou pour partager des confidences, profitant de son écoute attentive.
En plus de sa réputation grandiose, Frank Meier a légué son œuvre au monde : « The Artistry of Mixing Drinks » (1936), un guide un indéfinissable publié à seulement 1 000 exemplaires. Il se positionne entre accessoire de mondaineté et livre de recettes, et a été récemment publié pour la première fois en français par Albin Michel Editions.
Un personnage énigmatique, dans son livre « L’Art du Cocktail » (2024), Frank Meier présente les recettes de plus de 400 cocktails. Elles sont méthodiquement classées par ordre alphabétique. On découvre avec lui la confection de ces nombreux cocktails devenus des classiques, comme le Old Fashion (fabriqué à partir de whisky et d’amer Angostura), le Russian (à base de cacao, crème fraîche et vodka), ou encore le White Lady (fait à partir de jus de citron, curaçao blanc et gin).
L’ouvrage présente quelques-unes des créations uniques de Frank Meier, qui se composent toujours de quatre ingrédients au maximum. Des cocktails comme le « Blue Bird », une variante du White Lady dédiée à une voiture de course ayant établi un nouveau record de vitesse en 1927, l’ « Elégant », confectionné à partir de Grand Marnier, de vermouth et de gin, et le très ambigu « Temptation », qui comprend du rhum, du jus de citron et du pastis.
La seconde partie du livre, plus singulière, s’étend comme un manuel fournissant une série de « formules utiles », parmi lesquelles se trouvent des recettes de sandwichs, des récits de courses hippiques et des directives en cas d’insolation, de noyade ou même de morsure de serpent.
Ce livre offre une opportunité d’explorer les troubles de l’époque et de comprendre le personnage énigmatique de Frank Meier, qui a activement participé à la Résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale. C’est d’ailleurs le sujet du premier roman du préfacier de l’ouvrage, Philippe Collin, qui coïncide avec cette publication (Le barman du Ritz, Albin Michel, 2024).
Sous la touche graphique, se trouvent les illustrations de Delius en noir et blanc, réalisées dans le style Art déco de cette époque.
Cocktail phare : le « Bee’s Knees » (jus de citron, miel, gin), nom d’une expression américaine signifiant quelque chose d’exceptionnel.
L’Art du cocktail par Frank Meier, préface de Philippe Collin, Albin Michel, 176p., 20 €.