/ »Consacrer du temps à soi ! » Jamais autant de gens n’ont souhaité à eux-mêmes ou à leur entourage de s’octroyer du temps. « J’ai choisi de m’accorder du temps », avertissent-elles leurs associés et leur entourage, indiquant qu’elles ne seront plus disponibles. Les experts du bien-être semblent convenir que nous devrions tous nous accorder un peu plus de considération, comme si notre société avait profondément besoin d’une élan d’altruisme envers soi.
On dirait qu’on a essayé de mélanger les livres de Mathieu Ricard avec le slogan « parce que je le vaux bien » de L’Oréal (discours dont la créatrice, Ilon Specht, vient de disparaitre, preuve que nous avons eu le temps de l’assimiler). Un courriel de la CAF suggérait un article sur « tout ce qu’il faut savoir avant de passer à temps partiel », y compris « s’accorder du temps ».
A Saint-Girons, en Ariège, une association a lancé un atelier pour aider tout un chacun à se reconnecter avec soi-même. Même l’Etablissement français du sang a inclus parmi ses quatre arguments pour le don de plaquettes « un moment pour soi et une chance de faire une pause » (comptez une heure et demie).
Le conseil qui semble être universellement accepté manque de preuves scientifiques. Les célèbres études longitudinales sur le bonheur n’ont pas prouvé que s’accorder du temps rendait plus heureux. Les observateurs de l’impressionnante longévité des centenaires de Crète n’ont jamais attribué cette longévité à une capacité de se reconnecter à soi. Cependant, le confinement nous a appris que le temps pour soi n’est pas forcément synonyme de bien-être. »/
Malgré les efforts de l’OMS pour signaler l’épidémie de solitude, certaines personnes continuent de valoriser leur temps en solitude. Bien sûr, cela n’a de la valeur que si c’est légitimé par l’industrie du bien-être. En effet, la presse féminine, qui conseillait dans les années 1990 de faire du shopping ou d’aller chez le coiffeur, encourage maintenant à « prendre du temps pour soi », sans spécifier exactement ce que cela implique (se rendre dans un spa ? partir en pèlerinage sur le chemin de Compostelle ?).
Cela peut signifier une visite au bar à ongles, un massage ou n’importe quelle activité qui nécessite de planifier à l’avance. En conséquence, le temps dédié à soi risque de devenir une autre tâche sur une longue liste de choses à faire, laissant les gens avec moins de temps libre. On peut prédire qu’en suivant toutes ces offres commerciales, on finira avec une hydratation optimale et une exfoliation totale, mais pas nécessairement avec plus de temps libre.
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