Dans l’introduction de son livre « A ceux qui nous ont offensés » publié par Le Cherche Midi, le croisement d’un ton perplexe et malin est perceptible chez Maxime DesGranges. Il note qu’il est conscient que de nombreux textes de grande envergure ont été produits en s’inspirant des cours de justice. Cependant, il demande l’indulgence des lecteurs pour l’ajout du sien à la collection.
DesGranges, qui travaille comme lecteur et traducteur dans une maison d’édition, ainsi que chroniqueur littéraire sur le site Actualitté, narre qu’une fois à Strasbourg, il s’est retrouvé pris dans une pluie battante. Sa seule option était de se réfugier soit dans une église protestante, soit dans le palais de justice, des structures proches physiquement. La présence d’une camionnette grise à vitres obscurcies devant l’église l’a incité à opter pour le palais de justice, et c’est ainsi qu’il a franchi pour la première fois le seuil d’une salle d’audience.
Au cours de cette séance, il a été témoin d’un fait marquant. Une femme au physique frêle, au teint foncé et aux cheveux noirs en désordre maintenus en chignon, était jugée dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Appartenant à la communauté des gens du voyage, elle était sur le banc des accusés pour avoir poussé sa fillette de cinq ans à dérober des téléphones.
Après l’intervention de son défenseur nommé par le tribunal, elle a prononcé quelques paroles supplémentaires, traduites par l’interprète : « Vous pouvez me condamner si c’est votre souhait. Je ne place pas ma foi dans la justice humaine. Je crois uniquement en la justice divine. Seul Dieu comprend vraiment les démunis. » Juste après, au moment où on lui mettait les menottes, elle a rebuffé – en français cette fois – une femme du public qui la dévisageait : « Tu as un problème, toi la dodue ? » Maxime DesGranges a noté ces deux phrases sur son téléphone. Quelques jours après, il est revenu, muni d’un carnet et d’un stylo. Les après-midi d’audience se sont enchaînées, et le carnet s’est lentement rempli, finissant par se transformer en ce livre, ‘A ceux qui nous ont offensés.’
« Votre carrière de cambrioleur, c’est voué à l’échec »
Dix lignes de texte, parfois seulement cinq, ou même deux. Des éclats de violence, de vies dans la précarité (les accusés), de fatigue, de désillusion, de cynisme (les juges, les avocats, les huissiers, les greffiers, les policiers sur place), Maxime DesGranges partage l’essence pure de ce processus de justice à la chaîne, en soulignant le tragique, le poétique, l’absurdité, le désespoir et l’humour également.
Quelques extraits :
Avocat : « Il faut dire les choses telles qu’elles sont ! La lenteur de la justice est in-tol-érable ! » Juge (l’interrompt brusquement) : « Nous ne sommes pas sur le plateau de Hanouna, Maître. »
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