L’émission en direct a été animée par Gabriel Coutagne, Romain Del Bello, Pierre Bouvier, Glenn Cloarec, Louise Vallée, Dorian Jullien, Jean-Philippe Lefief et Glenn Cloarec. Retrouvez tous nos reportages, articles et analyses concernant le conflit ukrainien sur notre site. Parmi les sujets discutés, l’importance de la Crimée pour Kiev, le bouleversement en Ukraine après le bombardement d’une des plus grandes imprimeries nationales, symbole culturel fort, et la détermination des front-liners ukrainiens malgré l’épuisement et les échecs. La guerre a également pris une tournure électronique dans les tranchées. De plus, la Russie conteste l’hégémonie des États-Unis dans l’espace. Parmi les annonce insolite, l’Hôtel Ukraine à Kiev est à vendre avec 363 chambres pour une somme débutant à 23,5 millions d’euros.
Il est important de noter que même dans les villes les plus touchées par les bombardements, les gens persévèrent à poursuivre leur travail, à ouvrir des entreprises et à s’éduquer, selon les lettres d’Olga et Sasha. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est quant à lui en poste pour une durée inconnue. La recherche des personnes disparues est aussi un enjeu colossal.
Si vous avez des questions, nous sommes là pour y répondre.
Concernant l’utilisation de drones par Moscou et Kiev, la guerre des drones a atteint des proportions monumentales ces derniers mois. Un rapport publié en mai 2023 par un think tank britannique spécialisé dans la défense estime que les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois soit plus de 300 par jour sur le champ de bataille. Pour contexte, l’armée française possède un peu plus de 3000 drones dans ses stocks.
Les Ukrainiens et les Russes emploient principalement des UAV (véhicules aériens sans pilote) de nature civile, qui sont économiques et abondamment disponibles. Ils sont utilisés pour la surveillance de champ de bataille, pour orienter les troupes et les tirs d’artillerie, et certains sont modifiés pour porter de petites bombes, larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Les drones-kamikazes, bien qu’ils soient plus rares, jouent également un rôle crucial. Equipés de charges explosives, ces UAV sont envoyés au-dessus de la ligne de front sans aucun objectif prédéfini. Moscou utilise des drones Lancet-3 russes ainsi que des drones Shahed-136 fabriqués en Iran. L’Ukraine, qui ne possède pas une flotte de guerre conséquente, défie l’ennemi avec des véhicules maritimes sans équipage, de petits kayaks télécommandés et remplis d’explosifs (450kg de TNT).
Preuve de la valeur des drones dans leurs opérations, les Ukrainiens et les Russes ont mis en place un dispositif pour alimenter leurs troupes à long terme, non seulement en achetant massivement des drones civils, mais aussi en créant des capacités de production internes. Malgré un début balbutiant lors de la guerre du Donbass, déclarée il y a une décennie, l’industrie nationale ukrainienne s’est depuis développée. Fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une réplique du drone russe Lancet avait été développée et serait bientôt lancée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Selon des informations, la Russie serait entravée par les restrictions occidentales qui limitent sa capacité à acquérir des composants électroniques. Cependant, les services de renseignement américains rapportent que la Russie aurait amorcé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour la fabrication de drones kamikazes, issus de la conception iranienne, tels que les Shahed-136.
Lorsqu’il s’agit du stock de missiles russe, il est plutôt complexe, voire quasiment irréalisable, d’établir l’état actuel de leur arsenal. Bien que les services de renseignement ukrainiens fournissent régulièrement des mises à jour, leurs chiffres ne sont pas incontestables.
Cité par Liga.net, Andri Ioussov, porte-parole de l’Agence générale de renseignement du ministère de la défense (GUR), affirme que l’armée russe avait en possession 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le déclenchement du conflit, et plus de 900 supplémentaires étaient disponibles au début de l’année. En plus de cela, selon lui, des milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’une quantité significative de S-400, une version plus moderne avec une portée trois fois supérieure, s’ajoutent à l’arsenal. En août dernier, selon Vadym Skibitsky, numéro deux du GUR, le nombre de missiles avec une portée supérieure à 500 kilomètres était de 585.
En ce qui concerne la capacité de production, elle aurait grimpé à environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, selon des expertises divergentes. Le GUR estimait cette production à 115 unités en octobre.
Selon diverses sources iraniennes citées par Reuters, la Russie aurait acquis des missiles de courte portée en Iran et en Corée du Nord et aurait continué à approvisionner. Depuis janvier, lorsque un accord a été conclu, environ 400 missiles iraniens de la série Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés à la Russie. Cependant, le nombre de missiles acquis auprès de la Corée du Nord reste inconnu. Selon le procureur général Andriy Kostin, 24 ont été tirés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024. Les experts, après avoir analysé les débris et les trajectoires, ont supposé qu’il pourrait s’agir de missiles KN-23 et KN-24 avec une portée d’environ 400 kilomètres.
Que s’est-il passé avec les avions de combat F-16 ?
En août 2023, les États-Unis ont accédé à une demande de longue date du président ukrainien et ont autorisé le transfert d’avions de combat F-16 à l’Ukraine. Plus de 300 avions F-16 sont répartis dans neuf pays européens, notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. Cependant, tous les pays possédant ces avions ne sont pas en mesure de les transférer immédiatement.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait mentionné que 42 avions F-16 avaient été promis par les alliés occidentaux à Kiev, mais cette affirmation n’a pas été vérifiée. Le Danemark a promis d’en fournir 19. Les six premiers ne doivent pas être livrés avant la fin de 2023, suivis de huit autres en 2024 et cinq en 2025, comme l’a indiqué la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis de donner certains de leurs avions, disposent de 42 pièces, mais n’ont pas indiqué combien ils prévoyaient d’en céder.
En outre, les aviateurs ukrainiens doivent recevoir une formation pour maîtriser ces avions de chasse américains. Onze partenaires de l’Ukraine ont accepté la responsabilité de former ces pilotes. Selon l’OTAN, il ne sera possible pour ces militaires ukrainiens d’utiliser ces avions dans un contexte de bataille qu’à partir du début de 2024, tandis que d’autres spécialistes prévoient cela pour l’été de la même année.
Quel type d’aide militaire est fourni à l’Ukraine par ses partenaires ?
Deux ans après le déclenchement d’un conflit à grande échelle, le rythme de l’appui occidental à l’Ukraine est en train de ralentir : les nouvelles promesses d’aide de l’août 2023 à janvier 2024 ont diminué en comparaison avec la même période de l’année précédente, d’après le dernier rapport de l’Institut Kiel, publié en février 2024. Cette dynamique pourrait se maintenir, compte tenu des difficultés du Sénat américain pour approuver de nouvelles aides et les problèmes de l’Union Européenne (UE) pour faire passer une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison de l’opposition de la Hongrie. Il faut cependant noter que ces deux paquets d’aide ne figurent pas encore dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’arrête en janvier 2024.
Les informations de l’institut allemand indiquent que le nombre de donateurs diminue, et se resserre autour d’un groupe de pays spécifique : les Etats-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe, qui promettent une aide financière substantielle et de l’armement de haute technologie. En somme, depuis février 2022, les pays soutenant l’Ukraine se sont engagés à un niveau d’au moins 276 milliards d’euros sur le plan militaire, financier ou humanitaire.
Examinant en valeur brute, on constate que les nations les plus prospères sont également les plus prodigues. Les Etats-Unis surpassent tous les autres par une marge considérable, contribuant avec plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards sont dédiés à l’assistance militaire. Les nations composant l’Union européenne ont promis des aides tant bilatérales (64,86 milliards d’euros) que conjointes à travers les fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), sommant un total impressionnant de 158,1 milliards d’euros.
Cependant, si l’on compare ces contributions à la taille du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la situation se modifie. Les Etats-Unis descendent à la vingtième position (avec seulement 0,32% de leur PIB). Ils sont ainsi dépassés par des pays limitrophes de l’Ukraine ou des anciennes républiques soviétiques alliées. La tête du classement revient à l’Estonie avec 3,55% de son PIB, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). Le top 5 est complété par la Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%). Ces trois pays baltes, partageant des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, figurent parmi les donneurs les plus libéraux depuis le début du conflit.
Dans cette perspective, la France n’est que vingt-septième, ayant consacré seulement 0,07% de son PIB, précédée de près par la Grèce (0,09%). L’aide offerte par la France a connu une baisse continue depuis le début de l’invasion russe en Ukraine — elle occupait la vingt-quatrième position en avril 2023, et était treizième à l’été 2022.
Quant à la situation présente sur la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, que peut-on en dire ?
Au cours des derniers mois, les tensions ont escaladé entre l’Ukraine et la Pologne, en grande partie à cause du transit des grains ukrainiens. Au printemps 2022, l’Union européenne avait établi des « routes solidaires » pour faciliter l’exportation et la vente sans taxes douanières de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Toutefois, environ 50% des grains ukrainiens passent par ou terminent leur trajet au sein de l’UE, comme le souligne la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les questions agricoles mondiales. Ces grains sont vendus à un prix beaucoup moins élevé que celui du blé produit en UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.
C’est la raison pour laquelle la Pologne, ainsi que la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, ont choisi de bloquer unilatéralement leurs importations en avril 2023. Ce blocus, que Bruxelles a autorisé à l’époque, visait à protéger le marché local et les revenus des agriculteurs, à condition qu’il n’entrave pas le transit vers d’autres pays et ne dure que quatre mois. A la fin de l’été, Varsovie a choisi de ne pas lever le blocus sur les céréales ukrainiennes, malgré l’avis de Bruxelles qui jugeait que le marché national n’était plus affecté de manière disproportionnée par la vente de céréales.
Depuis leur position à la frontière polono-ukrainienne, les fermiers polonais empêchent activement les véhicules ukrainiens de passer sur leur sol national. Ils demandent un « embargo total » sur toutes les marchandises agricoles et alimentaires provenant d’Ukraine. Les protestataires expriment leur frustration face à l’augmentation considérable de leurs frais de production, tandis que leurs silos et leurs dépôts sont surchargés et que les tarifs sont désespérément faibles. Au début de l’année 2024, le dirigeant ukrainien a interprété le blocus de la frontière polonaise comme un signe de « l’affaiblissement de la solidarité » envers son pays et a demandé une discussion avec la Pologne. « Seule la capitale russe se félicite de ces frictions », a-t-il ajouté, en critiquant « l’émergence de slogans clairement en faveur de Poutine ».