En un court laps de temps de deux heures, une représentation a été mise en place par l’assemblée. La pièce maîtresse était une reprise à trois voix éblouissante de « Christine », une chanson de Christine et The Queens. Les 470 choristes, réunis pour la première fois ce soir de fin mai, sont sortis émerveillés de la Ground Control, une ancienne zone industrielle transformée en un vaste espace multifonctionnel situé dans le 12ème arrondissement de Paris. Ils étaient ébahis et galvanisés par leur propre performance, unis et revigorés par une nouvelle fierté.
C’est l’étrange effet euphorisant des soirées « La La La ». Le principe est simple, avec un impact fortifiant maximal sur le moral de chaque participant: toute personne désireuse de chanter à d’autres endroits qu’une salle de bains, disposant de 25 euros (déductible des impôts pour l’entrée) peut se joindre à cette grande chorale éphémère. Les recettes sont versées à un organisme de bienfaisance – ce jour-là, c’était la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer. Le choix du chant n’est révélé qu’à l’arrivée, lorsque les paroles sont distribuées à tous. La maestro du chœur, Valentine Derreumaux, soutenue par quatre musiciens sur scène, guide avec soin chaque étape de l’échauffement vocal, de l’apprentissage puis des performances finales polyphoniques qui sont filmées et mises sur YouTube à des fins de souvenir.
Bien que cela puisse sembler superficiel de prime abord, l’expérience musicale a laissé un sentiment merveilleux aux participants. Les visages réjouis laissent entendre que le moment vécu a été impressionnant, comme le témoigne Isabelle. « C’était spectaculaire et unitif, un vrai temps de connexion pour une bonne cause !» argumente-t-elle, tandis que son collier de fleurs danse à chaque mots prononcé. À 59 ans, la pharmacienne est heureuse d’avoir entraîné sa sœur et sa fille étudiante dans cette aventure. « Je chante faux quand je suis seule, mais en groupe, on a l’impression de produire un beau son !» À ses côtés, Sophie, 47 ans, qui porte un haut de forme pailleté, affirme qu’on lui a dit un jour qu’elle avait une voix de casserole. « Je m’en fiche ! », réplique-t-elle. Bien qu’elle ait fréquenté les chorales à l’école, elle n’a jamais chanté dans une chorale composée uniquement d’adultes – « C’est plus formel, il faut connaître le solfège, ce que je ne sais pas ». C’est pour cela qu’elle se réjouit de l’expérience La La La, tout comme Valérie qui l’a accompagnée. « C’était super, bien mieux que les dîners de famille où l’on sort la guitare », s’enthousiasme cette quadragénaire vêtue d’un t-shirt kaki et de bottines. « C’est incroyable ce que notre chef de chœur arrive à obtenir de nous, vu notre nombre ! »
Sopranos, basses ou quelque part entre les deux.
Valentine Derreumaux, une mère de quatre enfants de Lille dans la quarantaine, a initialement fait carrière en tant qu’auteure-compositrice-interprète. Elle a ensuite géré trois chorales hebdomadaires, et par la suite organisé des soirées de chorale décontractées. La première de ces soirées, lancée en 2018 à Lille, a attiré 90 curieux dans le chai d’un vigneron. Maintenant, explique-t-elle, elle doit plafonner le nombre de participants à 600 afin de maintenir une atmosphère intime. Du coup, elle organise l’événement pendant deux nuits consécutives, avec 1200 places qui se vendent en 15 minutes. Valentine Derreumaux a également organisé l’événement pour la première fois à Paris au Ground Control, où 430 personnes se sont déplacées le 25 avril. Le prochain événement a été annoncé pour le 25 juin, suivie d’autres dates à Toulouse, Bordeaux, Lyon et ailleurs.