Paola Pigani, auteure de « Le Château des insensés », publié par Liana Levi pour 21 € en version papier et 16 € en version numérique, a commencé sa carrière littéraire tardivement, à l’âge de plus de 50 ans. Son premier roman, « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures », a également été publié par Liana Levi en 2013. Son métier d’éducatrice spécialisée, place Pigani en position d’observatrice privilégiée des individus marginalisés et vulnérables de la société. Grâce à cette expérience, elle parvient à peindre une image authentique des défis de la marginalité sociale et des liens forts qui peuvent se tisser en dépit de ces difficultés. Son cinquième roman, « Le Château des insensés », explore l’histoire d’une institution psychiatrique innovante située à Saint-Alban, en Lozère, depuis l’époque de la Seconde Guerre mondiale, reflétant ainsi les réminiscences profondes de l’auteure.
Elle se rappelle avoir franchi les portes d’un asile pour la première fois à l’âge de 11 ans, accompagnant une camarade de dortoir qui rendait visite à son père. Elle y a rencontré des personnes qui l’ont surpris, y compris un homme très élégamment vêtu dont elle n’a jamais oublié le visage. Plus tard dans sa vie, vivant près de l’Hôpital du Vinatier à Lyon, elle avait souvent de petites interactions avec les patients qu’elle croisait, qui étaient toujours surprenantes. Cependant, la découverte de l’œuvre de Paul Eluard, qu’elle décrit comme le premier poète qu’elle a adoré, a été le tournant. « Le cimetière des fous », écrit par Eluard en 1943 à Saint-Alban alors qu’il était réfugié résistant dans l’asile psychiatrique dirigé par un ami des surréalistes, Lucien Bonnafé, et où travaillait le catalan François Tosquelles, a introduit l’importance de ces lieux dans son imaginaire, lui permettant de comprendre la psychiatrie institutionnelle.
Lorsqu’elle choisit d’esquisser le sort de Jeanne, la protagoniste de son ouvrage « Le Château des insensés », une femme dévastée par la perte de son bébé à naître, elle envisage initialement de la placer dans l’hôpital du Vinatier, un endroit qu’elle connaît bien. Elle-même ayant fait l’expérience de ce désarroi, elle voulait aborder la douleur profonde des jeunes mères qui n’ont pas eu d’enfant. C’est une cicatrice qu’on ne peut oublier, qui peut perturber gravement.
En approfondissant l’histoire de Vinatier, elle apprend que, comme dans de nombreuses autres institutions pendant la guerre, l’hôpital a été le théâtre d’une « hécatombe des fous ». Laissés pour compte, sans soins ni nourriture, la plupart sont morts. A la lumière de cette réalité, il lui semblait inconcevable de situer sa fiction dans le cadre d’un tel drame.
Lors de la sortie de son troisième roman, « Des orties et des hommes » aux éditions Liana Levi, en Lozère en 2019, elle visite le « cimetière des fous » notoire et opte pour le retour à Saint-Alban lors de quatre saisons différentes pour absorber l’ambiance de ces lieux marqués par un destin tout autre pour les patients.
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