Le lundi 3 juin, Iryna Verechtchouk, la vice-Première ministre de l’Ukraine, a posté puis rapidement supprimé un message en anglais. Dans ce message, elle affirmait, sans fournir ni date ni lieu, la destruction d’un S-300 russe sur le territoire russo-ukrainien. Cet événement faisait suite à l’autorisation de recourir à des armes occidentales en territoire ennemi. Cette information, accompagnée d’une image, a été relayée et analysée par CNN.
Quelques jours auparavant, Joe Biden avait donné son accord pour que l’Ukraine puisse frapper, sous certaines conditions, des objectifs en Russie à l’aide d’armes américaines. Le New York Times a confirmé, dans son édition du mardi, que le S-300 détruit avait bel et bien été la première de ces cibles.
Le journal citait Yehor Chernev, vice-président de la commission de sécurité nationale, de défense et de renseignement de la Verkhovna Rada (le parlement d’Ukraine), qui a confirmé que Kiev avait détruit des lance-roquettes russes dans la région de Belgorod, à la frontière nord-est de l’Ukraine. Chernev, également président de la délégation permanente de l’Ukraine à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, a indiqué que les forces ukrainiennes ont employé des M142 Himars américains, des lance-roquettes multiples capables de frapper des cibles à 80 kilomètres.
Ni l’armée ukrainienne, le département de défense russe, ni l’administration américaine n’ont officiellement confirmé l’attaque. Cependant, une source anonyme citée par l’agence Associated Press (AP) a signalé l’utilisation d’armes américaines en Russie, le 5 juin, mais sans donner plus d’informations.
Pour suivre la trace de cette attaque, il est nécessaire de faire référence aux analyses quotidiennes des comptes et observateurs spécialisés du conflit. Selon le rapport du 3 juin de l’Institute for the Study of War (ISW), l’Ukraine a effectivement lancé une attaque le 1er ou 2 juin contre une batterie de défense aérienne russe S-300/400 dans l’oblast de Belgorod à l’aide d’Himars. Ils ont également catalogué les sources disponibles.
Des photos publiées le 3 juin par Dossie Chpiona, un compte Telegram russe, montrent deux lanceurs endommagés et un centre de commandement altéré dans un champ à l’est de Kiselevo, au nord de Belgorod. L’image diffusée par Iryna Verechtchouk est similaire à celle partagée par ce compte russe. Par ailleurs, Radio Svoboda, la filiale russe du média américain Radio Free Europe/Radio Liberty, a diffusé une image satellite de haute résolution montrant les lanceurs détruits et un centre de commandement du système S-300/400 endommagé.
Selon l’ISW, plusieurs canaux Telegram russes ont spéculé l’utilisation des Himars. Ils ont remarqué que le système S-300/400 se trouvait à environ 60 kilomètres de la ligne de front actuelle, hors de portée des lance-roquettes multiples comme les RM-70 Vampire utilisés par l’Ukraine pour attaquer la région de Belgorod, mais à portée des Himars.
Des chaînes Telegram militaires pro-russes influentes comme Rybar (avec 1,2 million d’abonnés) et Epoddubny (avec 721 000 abonnés) ont présenté ce qu’elles jugent être des preuves de cette attaque ukrainienne sur le sol russe, en montrant des « fragments de munitions de M142 Himars » récupérés dans la région de Belgorod. Des analyses d’images faites par des comptes peu suspects de partialité pro-russe suggèrent que les fragments étaient de roquettes à sous-munition et d’un projectile fabriqué en 2007.
De son côté, Moscou menace et Washington fait valoir ses règles. Oleksandr Skoryk, un élu de la région de Kharkiv, a noté sur une chaîne de télévision ukrainienne que « depuis deux jours, aucun missile S-300 n’a survolé le territoire de Kharkiv » en raison des frappes autorisées sur le territoire de leurs voisins. Il a également souligné que les Russes continuent d’attaquer la région, notamment avec des bombes aériennes guidées.
Le Kremlin n’a pas encore officiellement répondu à la destruction supposée de cette batterie de missiles. Cependant, Sergueï Riabkov, le vice-ministre des affaires étrangères russe, a répété l’avertissement de Vladimir Poutine, menaçant les alliés de Kiev de « graves conséquences » s’ils utilisaient des armes occidentales contre le territoire russe.
La veille, John Kirby, le représentant du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche, s’est limité à souligner les principaux points de l’approche américaine concernant l’utilisation des armes fournies à l’Ukraine. « Je ne peux pas confirmer [l’attaque sur le territoire russe]. Comme je l’ai mentionné, nous ne sommes simplement pas en position de confirmer ce que les Ukrainiens tirent et où, quotidiennement … Je suis en mesure de vous dire qu’ils comprennent les instructions qu’ils ont reçues », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse consacrée à la visite du président américain en France. Craignant une escalade, Washington est contre les attaques ukrainiennes en profondeur sur le sol russe avec des ATACMS – les systèmes de missiles tactiques de l’armée, des missiles à longue portée fournis par les États-Unis à l’Ukraine – en particulier.
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