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« Tunisie évite défaut paiement, économie stagnante »

Selon la Banque africaine de développement (BAD), la Tunisie devrait connaître une évolution économique « modeste » en 2024, par contraste aux nations telles que le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Rwanda. Une publication de l’institution financière africaine datée du 30 mai met en lumière une inquiétude quant à une éventuelle détérioration des prévisions sur le moyen terme pour la Tunisie. Celle-ci serait due au danger élevé de sur-endettement, ce qui pourrait limiter l’accessibilité au financement externe, ainsi qu’aux pressions sociales générées par le cout de vie élevé.

La croissance économique tunisienne s’est retrouvée au point mort en 2023 avec une hausse du produit intérieur brut de seulement 0,4 %, ce qui représente la plus faible hausse depuis la révolution de 2010-2011 (en excluant la pandémie de Covid-19). Cela est inférieur aux prévisions initiales de 1,8 %. Étonnamment, l’économie a plongé en récession fin 2023, avant de voir une légère augmentation au premier trimestre 2024 (+0,2 %).

Ridha Chkoundali, professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Nabeul, explique : « Il s’agit du résultat d’une politique, qui fait débat, qui a donné la priorité au remboursement de la dette plus qu’à l’importation de matières premières. La dépendance de l’économie tunisienne vis-à-vis de l’extérieur est significative en matière de production ; sans importations, la production n’est pas possible. Le déclin des importations a eu un impact très négatif sur la croissance. »

La Tunisie est contrainte de recourir à des importations pour subvenir à ses besoins en énergie et en aliments essentiels comme le blé, dont la production a baissé de 60 % en 2023 à cause d’une sécheresse. Ces produits et leurs dérivés – carburants, huiles, farine, pâtes, etc. – sont vendus à des prix subventionnés grâce à un régime instauré par le gouvernement. Cependant, la hausse du coût de ces produits suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a aggravé le déficit commercial de la Tunisie, qui ne parvient pas à exporter suffisamment pour équilibrer sa balance commerciale.

Alors que la Tunisie croule sous une dette équivalente à 80 % de son PIB, elle lutte pour trouver des liquidités et doit jongler entre le remboursement de sa dette et ses importations. Cela se répercute sur les ménages tunisiens, qui subissent des pénuries récurrentes de produits de base tels que la farine, le sucre et le lait.

Pour essayer de surmonter cette crise, le pays a négocié un plan de relance de 1,9 milliard de dollars (1,75 milliard d’euros) avec le Fonds monétaire international (FMI). Il avait obtenu un accord de principe pour ce prêt en octobre 2022. Ce prêt, jugé insuffisant par les économistes pour répondre à la crise, était censé encourager d’autres donateurs internationaux à soutenir la Tunisie. Cependant, la condition selon laquelle certaines réformes économiques devraient être mises en œuvre, comme la suppression des subventions sur les biens de consommation courante, a empêché la finalisation du prêt. Le président Kaïs Saïed a critiqué ce qu’il appelle les « diktats inacceptables » du FMI.

L’élimination des subventions pourrait inévitablement entraîner une augmentation des coûts qui affecterait le pouvoir d’achat des citoyens tunisiens, déjà aux prises avec une inflation de 7,2 % en avril 2024, comme le rapporte l’Institut national de statistiques. Depuis, les discussions n’ont pas progressé.

M. Saïed a tenté d’amplifier les revenus de l’Etat en instaurant de nouveaux impôts dans des domaines tels que le tourisme et le secteur bancaire, en accentuant le contrôle fiscal, en envisageant une réconciliation pénale pour récupérer les propriétés illicitement obtenues, ou en relançant l’exportation de phosphate. Cependant, ces tentatives n’ont pas donné les résultats anticipés.

Des levées de fonds plus simples ont été envisagées
Dans le but de » financer une partie du déficit budgétaire de l’État », le Parlement a autorisé en février la libération de 7 milliards de dinars (2 milliards d’euros) de la Banque centrale tunisienne au bénéfice du Trésor public. Pour combler le reste du déficit, le pays a dû se tourner vers les financements internationaux.

Le dimanche 28 avril, Feryel Ouerghi, la ministre de l’économie, et Hani Salem Sonbo, le directeur général de la Corporation Internationale Islamique de Financement du Commerce (ITFC) – une entité liée à l’Organisation de Coopération Islamique -, ont signé à Riyad, en Arabie Saoudite, un accord pour un emprunt de 1,2 milliard de dollars, qui sera versé sur trois ans, afin de permettre à l’Etat tunisien de régler les « importations de certaines entreprises publiques », en particulier les « produits pétroliers », comme indiqué par le ministère dans une déclaration.

Ridha Chkoundali, un professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Nabeul, anticipe une diminution de la pression sur l’approvisionnement énergétique et une amélioration des finances publiques. Il souligne aussi l’importance d’acquérir des réserves de change pour l’importation de matières premières nécessaires à la croissance économique. Toutefois, aucune précision sur les conditions bancaires n’a été communiquée au public.

Dans le cadre de cet accord avec l’IFTC, des pourparlers sont aussi en cours avec d’autres acteurs tels que les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Selon Bassem Snaije, enseignant en économie et finance du monde arabe à Sciences Po Paris, ces démarches font partie d’une stratégie conjointe de collecte de fonds laissant plus de latitude que celle de l’FMI et d’autres donateurs institutionnels. Cependant, cette approche ne résout pas les problèmes structurels. La menace d’un défaut de paiement imminent demeure en arrière-plan malgré son éloignement apparent.

Un rapport publié par l’Observatoire tunisien de l’économie en janvier 2024 a alerté sur le « poids énorme pour les budgets futurs » que représente « l’escalade de l’endettement ». Entre autres, il a noté une hausse des dépenses associées au service de la dette (les intérêts) de 18,7%, qui constituent désormais près de 31,7% du budget général de l’État, un niveau « jamais vu auparavant ».

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