Le mardi 4 juin, le tribunal maritime du Havre, composé de cinq juges – trois magistrats judiciaires et deux experts maritimes – a acquitté Philippe Capdeville, le capitaine volontaire de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui avait été accusé de plusieurs « négligences » lors du sauvetage d’un chalutier au large de Port-en-Bessin (Calvados) dans la nuit du 14 janvier 2021. L’événement tragique avait vu le bateau sombrer en Manche avec tout son équipage, y compris Quentin Varin, 27 ans, ainsi que Steven et Jimmy Gibert, 26 et 19 ans, dont les corps ont été retrouvés pris dans les portes coulissantes de la cabine de pilotage le jour suivant.
Le tribunal a choisi de ne pas écouter le procureur qui avait réclamé une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis pour le capitaine de la SNSM, ainsi qu’une interdiction de naviguer pendant deux ans. Dans son réquisitoire, il avait cité le rapport de l’expert maritime, selon lequel le remorquage était la cause du naufrage du Breiz. On avait reproché au sauveteur d’avoir arrimé le chalutier trop rapidement pendant une tempête, d’avoir navigué à une vitesse excessive lors du démarrage et pendant le remorquage, et d’avoir opéré des changements de direction trop risqués.
Cependant, le tribunal admet que Philippe Capdeville n’a pas été suffisamment attentif pendant les quarante et une secondes où Quentin Varin lui a envoyé des messages de détresse répétés – « Débraye ! Débraye ! We’re going to capsize ! » – mais estime que ce manque de réaction ne constitue pas un lien de causalité suffisant avec le naufrage.
Le tribunal a évalué différemment les responsabilités des deux autres accusés majeurs, poursuivis pour «homicides involontaires », le co-propriétaire du navire et l’expert maritime impliqué dans la vente. Ces derniers risquaient une peine de six mois de prison avec sursis. Tandis que l’expert et son entreprise sont acquittés, le co-propriétaire du vieux bateau de 42 ans, pour lequel Quentin Varin s’était endetté en achetant la moitié des parts quelques mois plus tôt, est jugé coupable. Sa peine est plus sévère que ce qui avait été demandé initialement, dix-huit mois de prison avec sursis.
En cherchant l’apaisement, le tribunal a inversé la hiérarchie des responsabilités dans ce naufrage. La vétusté du bateau, dont le poids excessif ne respectait pas les restrictions du permis de navigation, est considérée comme un facteur majeur. Ce jugement devrait calmer la colère des sauveteurs en mer, qui ont soutenu Philippe Capdeville issue après issue pendant le procès en avril. Capdeville, capitaine bénévole depuis trente-cinq ans et patron du bateau d’intervention de la SNSM depuis treize ans, avait accepté la mission de sauvetage après qu’un équipage basé dans un port plus proche eut refusé, en raison de conditions de sortie très difficiles.
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