Avec un demi-sourire et une grâce naturelle, Michel Sadelain évolue dans le monde d’une manière unique, montrant à la fois une attitude réfléchie et attentive. En fin mai, il se promenait parmi les rues de Paris, sous un ciel nuageux, avec son allure décontractée et sa silhouette élancée.
Retour vers ses racines pour ce chercheur de 64 ans, originaire de France et du Canada, qui vit à New York depuis trois décennies. « Je suis né et j’ai grandi en France, à Paris et à Dieppe [Seine-Maritime], sans héritage gaulois mais portant une culture française», confie-t-il avec une voix douce et délibérée, exprimant chaque mot avec soin – témoignant d’une élégance du langage et de la réflexion. Ses parents se sont installés en France en 1958 : son père étant un réfugié politique de Pologne et sa mère d’origine ukrainienne.
« C’est ma curiosité intellectuelle qui m’a orienté vers la médecine », explique-t-il. À l’hôpital Tenon puis à Saint-Antoine, à Paris, il développe un intérêt pour l’immunologie et la recherche. En 1984, il part pour le Canada pour un stage de six mois qui se transforme en thèse. Cinq ans plus tard, il s’installe aux États-Unis, où il entame un postdoctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT), avant de rejoindre en 1994 le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC), l’un des centres de recherche et de traitement du cancer les plus prestigieux à New York. Il y mène toute sa carrière. « L’amélioration de la condition humaine est une de mes motivations, » confesse-t-il. « Et la santé est un bien universel. »
Dès son arrivée par avion le lundi 27 mai, on a invité Michel Sadelain à la projection d’un documentaire intitulé, Living Drugs (qui pourrait être traduit par « des médicaments vivants ») qui n’a pas encore été diffusé. Le documentaire résume sa vie et son travail de plus de trente ans en immunologie où il a développé un nouvel outil créatif et puissant pour traiter le cancer.
Inutile, sans potentiel, idiot – ces mots ont été utilisés pour décrire son outil, nommé « cellules CAR-T », qui combine la thérapie génique et cellulaire. Cependant, malgré ces critiques, cet outil a déjà été utilisé dans le traitement de 35 000 patients atteints de cancer du sang dans le monde. Le MSKCC oncologue, Gilles Salles, met en avant « l’efficacité de cette thérapie pour guérir les patients, comparativement aux traitements lourds [de greffe] qui existent depuis des années », le qualifiant de « révolution dans le traitement de ces cancers ».
Mais le voyage n’a pas été facile. « Dès 1986, j’ai envisagé d’aider les cellules immunitaires à combattre les tumeurs en leur apportant une consigne génétique », explique Michel Sadelain. Cependant, lorsqu’il a présenté cette idée lors d’une conférence en 1992, « personne n’a montré le moindre intérêt, c’était ridicule ». Les spécialistes en oncologie et en immunologie ont rejeté son idée comme étant « subversive ». « Tous ces mots, je les ai entendus et ils ont grandement affecté ma vie, engendrant un certain état mental. »
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