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4 juin 2024 7 h 07 min

« Conscience animale bouleverse la recherche »

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Il y a une « possibilité tangible » que tous les vertébrés, ainsi que de nombreux invertébrés, tels que les céphalopodes, certains crustacés et même des insectes, aient une forme de conscience. De ce fait, il serait « négligent de ne pas prendre en compte cette éventualité » dans notre manière d’interagir avec ces animaux, que ce soit en matière d’élevage ou d’expérimentation. C’est le message principal de la « Déclaration de New York », un document publié le 19 avril, actuellement signé par 287 spécialistes en philosophie, éthique, éthologie et neuroscience de la conscience animale.

Martin Giurfa, de l’Université Sorbonne, qui étudie les abeilles, est l’un des signataires de ce document. Athanassia Sotiropoulos, de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), dirige le groupement scientifique FC3R, fondé en 2021. L’objectif de ce groupe est d’encourager l’adoption de nouvelles méthodes, visant à remplacer, réduire et affiner (les 3R) – dans la perspective de la recherche du bien-être animal – les pratiques actuelles des laboratoires français avec les animaux de laboratoire. Nous les avons rassemblés pour discuter de la portée et des répercussions de cette déclaration de New York.

Martin Giurfa, pour quelles raisons avez-vous décidé de signer cette déclaration ?

Martin Giurfa : Je participe à des dialogues sur ce thème depuis un certain temps, en particulier avec l’un des auteurs du document, le philosophe Jonathan Birch [London School of Economics], qui s’intéresse beaucoup à la cognition des insectes. Cela fait des années que je suis étonné par leurs incroyables capacités cognitives, comme l’acquisition de concepts et de règles, la catégorisation, la transitivité, le comptage et la manipulation de notions numériques abstraites comme le zéro, en particulier chez les abeilles.

Selon diverses recherches, le constat est clair : les insectes ne sont pas simplement des robots ou des systèmes associatifs, ils sont bien plus complexes que cela. Cette notion invite naturellement à la réflexion et la questionnement. Par exemple, nous avons initié une thèse dans notre laboratoire il y a deux ans, pour explorer la potentialité de la conscience chez les abeilles.

Quant à Athanassia Sotiropoulos, aurait-elle apposé sa signature sur ce document ?

Athanassia Sotiropoulos, en sa qualité de Directrice de recherche à l’Inserm, se concentre sur le muscle squelettique plutôt que sur la cognition. Elle se sent des lors inapte à approuver une telle affirmation. En tant que représentante des 3R en France, elle ne prendrait pas le risque d’engager ses tutelles sans réserve.

Cependant, elle juge pertinent d’évaluer cette notion de précaution, qui pourrait conduire à une révision des méthodes de travail dans les laboratoires, tant en France qu’en Europe.

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