À la fin du mois de mars 2024 à Moscou, Mikhaïl Galouzine, le vice-ministre des affaires étrangères de Russie, dirigeait une réunion cruciale. Il était accompagné des administrateurs de la Fondation pour la défense et la promotion des droits des citoyens vivant hors du pays, aussi connue sous le nom de « Pravfond ». Ils ont approuvé et signé un plan d’action pour « participer de manière active à l’exécution de la politique de l’État de la Fédération russe envers les compatriotes vivant à l’étranger dans un contexte d’augmentation persistante de la russophobie ». Les objectifs établis comprennent l’extension du « réseau d’aide juridique pour les résidents russes à l’étranger », le soutien aux initiatives visant à « contrer la russophobie » et l’assistance aux « ONG russes » hors du pays. Les buts sont multiples et précis.
Ces compte-rendus font partie d’une quarantaine de documents internes à Pravfond, récupérés par DR, la chaîne publique de radiodiffusion du Danemark, via une source travaillant pour un service de renseignement européen. Ces documents ont ensuite été partagés avec Le Monde et d’autres médias européens. Ils apportent des précisions sur le fonctionnement de cette organisation discrète basée à Moscou. Cette dernière est composée d’anciens membres reconnus des services de renseignements russes et sert à financer des opérations bénéfiques pour la Russie et ses espions.
Sur le site web de Pravfond, une organisation qui a refusé de répondre aux requêtes du consortium de médias partenaires, elle est présentée comme une entité charitable. Elle prétend être principalement dédiée à fournir une « assistance juridique ciblée à des citoyens et à des organismes défendant les droits humains ». Initialement établie en 2012 suite à un décret du président russe Dmitri Medvedev, son budget est largement alimenté par le ministère russe des affaires étrangères.
Néanmoins, l’examen des registres financiers par Le Monde et ses collaborateurs révèle que l’allocation principale du budget ne va pas à des citoyens russes ordinaires. Au contraire, elle a été largement utilisée pour soutenir la défense de figures accusées d’être des espions russes ou d’autres figures d’intérêt pour le Kremlin.
En 2014, par exemple, Pravfond a dépensé 260 000 dollars (240 000 euros) en frais juridiques pour la défense de Viktor Bout, un marchand d’armes qui a été condamné en 2012 à 25 ans de prison aux États-Unis pour avoir essayé de vendre des missiles et des lance-roquettes aux Forces armées révolutionnaires de Colombie. Malgré l’appel de M. Bout, sa condamnation a été maintenue. Il a finalement été libéré en 2022 lors d’un échange de prisonniers avec la joueuse de basketball Brittney Griner. Bout est actuellement un politicien élu affilié au LDPR, un parti ultra-nationaliste soutenant le président Vladimir Poutine.
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