Isabelle Merle est une historienne spécialisée dans la recherche sur la colonisation et actuellement directrice de recherche au CNRS. Elle a consacré une grande partie de ses recherches à l’histoire du Pacifique, en se concentrant principalement sur la Nouvelle-Calédonie. Son premier livre, intitulé Expériences coloniales. La Nouvelle-Calédonie (1853-1920) (Belin, 1995, réimprimé par Anarcharsis en 2020), examine la vie des « petits Blancs » qui ont émigré et établi leur vie en Nouvelle-Calédonie sur des terres usurpées.
Plus récemment, Merle a co-écrit avec Adrian Muckle L’Indigénat. Genèses dans l’empire français. Pratiques en Nouvelle-Calédonie (CNRS Editions, 2019). Merle analyse l’impact de la crise actuelle en Nouvelle-Calédonie et comment elle ravive les souvenirs de la colonisation française. L’histoire de la colonisation reste un sujet délicat en Nouvelle-Calédonie, étant donné les traumatismes liés à l’exploitation coloniale.
Depuis 1853, date de l’annexion de l’archipel par la France, jusqu’à l’appel à l’immigration en 1972 par le premier ministre Pierre Messmer pour atténuer l’influence du vote indépendantiste, les Kanak ont dû faire face à cette réalité. Ils craignent d’être marginalisés dans leur propre pays.
La tentative du gouvernement de modifier le corps électoral pour les élections provinciales a eu un effet inquiétant, rompant ainsi avec l’accord de Nouméa signé en 1998. Merle nous implore de réexaminer l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et de ses premiers habitants avant l’arrivée des colons européens.
La tribu Kanak habite en Nouvelle-Calédonie depuis trois millénaires. Ces indigènes, dont les racines remontent au Sud-Est asiatique, se sont installés dans l’archipel suite à une migration d’île en île. Comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu et une partie des îles Fidji, la Nouvelle-Calédonie est un pays de Mélanésie. Avant l’arrivée du navigateur britannique James Cook sur la Grande Terre en 1774, un commerce maritime était en activité dans l’archipel, habité par environ 100 000 personnes selon les archéologues. La tribu Kanak, constituée de jardiniers, était établie fermement dans certaines zones, tout en déplaçant de manière périodique en raison des jachères.
L’apparition des premiers Européens a cependant bouleversé leur mode de vie. Apportant avec eux des maladies inconnues au même titre qu’en Amérique, ils ont provoqué un choc épidémiologique qui a rapidement entraîné une décroissance de la population autochtone.
L’histoire de comment la France a fini par acquérir la Nouvelle-Calédonie reste à explorer dans la suite de cette article, réservée aux abonnés avec 75.64% encore à lire.