Après avoir consacré deux ans à la capture d’images sur les lignes de front, Mark Neville n’a pu que remarquer l’enlèvement de la guerre en Ukraine. Il a immortalisé le désespoir et l’anxiété des civils à travers son appareil photo, qui montre leurs visages dans leurs maisons partiellement détruites ou dans les rues de leur village autrefois contrôlé par les Russes. Beaucoup ont dû recourir à des médicaments pour faire face.
« Il est inévitable que tout le monde finisse par tomber malade, tant physiquement que mentalement », signale le documentariste britannique de 58 ans, résidant à Kiev, la capitale ukrainienne, depuis 2020. Les attaques quotidiennes depuis l’invasion russe du 24 février 2022, le nombre colossal de morts et l’incertitude de l’aide internationale n’apportent aucun répit. Mark Neville se demande combien de temps cette situation peut encore perdurer.
Le photographe évoque cette fatigue à travers des textes et des images dans son livre à venir cet été, intitulé « Diary of an Aid Worker » (« Journal d’un travailleur humanitaire »). Dans ce livre, il offre aussi diverses ressources pour l’aide psychologique à travers l’Ukraine, comprenant les contacts de psychiatres, les adresses de centres médicaux, et des entretiens brefs avec des citoyens ukrainiens pour briser le silence sur la maladie mentale toujours taboue dans le pays. De plus, Mark Neville envisage d’envoyer son livre à des personnalités influentes, comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, dans l’espoir qu’elles puissent influencer l’issue du conflit.
Marc Neville s’est réinventé au-delà de sa profession de photographe. Au printemps 2022, cet artiste a mis sur pied une ONG nommée Postcode Ukraine. Ensemble avec quatre autres membres, ils se dotent de casques et de gilets balistiques et se consacrent à la fourniture d’assistance humanitaire aux civils et combattants sur les champs de bataille environ deux fois par mois. L’apport concerne de l’eau drinkable, nourritures et en fonction des besoins, ils distribuent aussi des poêles à bois, de la nourriture pour chiens ou des manuels scolaires en ukrainien. Postcode Ukraine a, au cours d’environ deux ans d’activités, fourni une aide d’environ 350 000 dollars (323 000 euros). « Notre aspiration est d’être au premier rang à fournir de l’aide aux villages libérés par l’armée ukrainienne », déclare l’artiste, en qualifiant cette intervention d’assistance humanitaire version guérilla.
Neville, témoignant des difficultés des Ukrainiens.
Toutefois, l’artiste britannique trouve son parcours à travers différentes écoles d’art, y compris l’université de Reading, le Goldsmiths College de l’université de Londres et le Rijksakademie d’Amsterdam, insatisfaisant. Il conteste l’approche conventionnelle de la photographie et interroge son intégrité morale. « Nous faisons des photographies de personnes pour des livres coûteux qui finissent sur les tables basses des familles aisées », reproche-t-il.