Chaque année, le matin du 6 juin, des familles de Normandie se réunissent pour pleurer leurs bien-aimés à la maison d’arrêt de Caen. Elles se rassemblent pour se souvenir de ce jour de 1944, désormais passé dans l’histoire comme le jour le plus long, le jour où ils ont perdu leurs pères, grands-parents et maintenant arrière-grands-parents, des résistants sans armes qui ont été assassinés.
Au moment du Débarquement, ces détenus, emplis d’espoir, pouvaient entendre la canonnade en fond sonore, présageant les libérateurs à venir. Achille Boutrois, l’un des prisonniers âgé de 25 ans, avait même commencé à esquisser un navire sur un bout de savon en prévision de la libération imminente, lorsqu’ils furent bousculés hors de leurs cellules, emmenés dans une petite cour et exécutés sur l’ordre de la Gestapo.
Leur nombre variait entre soixante-dix et quatre-vingts. Malheureusement, leur nombre exact n’a jamais été établi car leurs dépouilles n’ont jamais été retrouvées. Ces résistants ont disparu quelque part au cœur du bocage normand, laissant leurs proches en plein désarroi face à cette fin brutale et mystérieuse. Cela représente une malédiction que leurs familles ont dû endurer pendant quatre générations, une cruauté ultime, huit décennies se sont écoulées et pourtant leur histoire demeure largement ignorée au regard de l’importance historique de cette date particulière.
En parallèle, à une distance de quelques dizaines de kilomètres, sur les sables d’Utah, d’Omaha, de Gold, Juno ou Sword, les commémorations internationales célèbrent la joie de la liberté. Des figures publiques aux citoyens ordinaires, tous se remémorent justement le sacrifice héroïque des Britanniques, des Canadiens et des Américains. Cependant, loin de ces commémorations spectaculaires, les résidents locaux de Caen ne font que renforcer leur chagrin.
Chaque année, et quelles que soient les conditions météorologiques, des dizaines de personnes se rassemblent devant le portail de la prison à chaque commémoration du drame, n’ayant pas de tombes pour y déposer leurs pensées. La visite attendue du président de la République devrait attirer davantage les projecteurs médiatiques sur le sort tragique de leurs proches. Emmanuel Macron effectuera sa deuxième visite, après une première en 2019. Vincent Auriol en 1949, et René Coty en 1954, leur avaient rendu hommage avant lui.
Retour dans les cellules
La vieille prison du quartier de Beaulieu a définitivement fermé le 3 décembre 2023. Avant cela, les familles n’avaient droit qu’à un accès limité à un coin extérieur de la prison, où un modeste mémorial avait été construit en l’honneur des victimes de la torture. Parmi les déchets jetés des fenêtres, en dessous des filets de sécurité, elles essayaient de se recueillir, souvent interrompues par le vacarme des prisonniers, parfois interrompu par un inattendu « Vive la France! » crié par un détenu de droit commun touché de compassion.
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