Nora Cortiñas, un visage célèbre des Mères de la place de Mai, à la recherche de leurs enfants disparus pendant la dictature argentine (1976-1983), est décédée à l’âge de 94 ans le jeudi 30 mai sans jamais savoir ce qui est arrivé à son fils. Carlos Gustavo Cortiñas, alors âgé de 24 ans et militant de la jeunesse péroniste (gauche), a été arraché par les militaires sur le pont de la gare de Castelar, en banlieue ouest de Buenos Aires, le 15 avril 1977.
Immédiatement, Nora a commencé à le chercher, en vain, dans un centre secret de détention et de torture qui se situait à quelques kilomètres de là, à la « Mansion Seré », une demeure bourgeoise. Le vendredi 31 mai, à cet endroit désormais transformé en mémorial, une foule de personnalités politiques et de citoyens engagés sont venus rendre un dernier hommage à cette « mère de toutes les batailles ». Son départ, « Norita », comme ceux qui l’aimaient l’appelaient, laisse plusieurs générations de militants sans tutelle.
Née dans une famille modeste de classe moyenne à Buenos Aires en 1930, Nora Irma Morales a épousé Carlos Cortiñas à l’âge de 19 ans. Ensemble, ils ont eu deux enfants, Gustavo et Marcelo. Malgré que son mari, qualifié par Nora de « très machiste », ne voulait pas qu’elle travaille, elle a tout de même donné quelques leçons de haute couture chez elle en toute discrétion.
Dans une interview avec la chaîne Canal Encuentro en 2017, Nora Cortiñas se remémore une vie de famille « simple » mais satisfaisante au sein d’un « État providentiel » péroniste, qui sera par la suite anéanti par les militaires. Pendant cette époque, les discussions politiques étaient absentes dans la famille Cortiñas.
Lorsque son fils aîné a disparu, cela a bouleversé son existence. La matriarche a quitté « l’enceinte de sa demeure », tel que Gustavo le lui suggérait, qui avait promis d’aider les résidents du bidonville Villa 31, situé dans le cœur de Buenos Aires. À la suite de sa disparition, elle part à sa recherche, découvrant progressivement cet univers dont il lui parlait.
Portant un foulard blanc sur la tête, elle remue ciel et terre, frappant à toutes les portes. « Je ne faisais rien d’autre, a-t-elle avoué plusieurs années plus tard, je passais mes journées à chercher Gustavo. » Son gendre, son époux, et son deuxième fils, Marcelo, se chargent de toutes les corvées ménagères. En mai 1977, suivant les recommandations de son beau-frère, elle rejoint un groupe de femmes qui ont choisi de manifester dans les rues pour demander à la junte militaire au pouvoir des informations sur le lieu de séjour de leurs enfants et petits-enfants, qui disparaissaient chaque jour par dizaines.
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